Londres, 1830. Cette nuit-là, un policier est retrouvé les tripes à l'air, empalé sur la gille d'une propriété. Ses collègues sont écurés, mais que peuvent faire des policiers lorsque leur seul équipement est un chapeau rigide et une matraque face à une telle ignominie ? Les seuls qui peuvent porter une arme à feu sont les Bow Street Runners, précurseurs de la police, mais qui sont sous les ordres des magistrats. Ils n'en ont donc rien à faire du sort d'un policier. Harry, un patrouilleur qui doit bien aimé tirer sur le biberon, est persuadé que c'est Spring-Heeled Jack qui a fait le coup. Il affirme même qu'il l'a vu empoigné son collègue, le soulever et le planter sur la grille. Seulement, Charlie Gravel, un de ses collègues, a bien du mal à le croire. Lorsque retentit une crécelle, le signal qu'un collègue est face à quelque chose qui nécessite du renfort, les deux hommes foncent. Et là il vont découvrir Spring-Heeled Jack, alias Captain Swing, en train de finir de tabasser un policier. Ni une ni deux les deux collègues foncent tandis que Swing prend la tangente, bien aidé par son matériel électrique à la limite du magique. Charlie Gravel va être le seul à pouvoir aller au bout de sa course, et ce qu'il va découvrir va lui faire voir le monde d'un il très différent.
Captain Swing et les pirates électriques de Cindery Island est une nouvelle histoire du talentueux Warren Ellis. Malgré un nom un peu long, le titre ne comporte que quatre chapitres. Ils sont plus longs que la moyenne mais ne sont pas légion. Et il n'y en a pas besoin pour se plonger avec délectation dans ce Londres alternatif et pourri que l'on découvre ici. Tout se passe en une seule nuit. Le ton est donc volontairement sombre. D'ailleurs, il y a un boulot terrible sur les encrages dans ce tome. C'est vraiment impressionnant. L'histoire présente l'utopie d'un homme et de la troupe qui le suit. Une utopie qui viserait à donner accès aux ressources facilitantes au plus grand nombre et pas seulement à une minorité de privilégiés. Mais c'est aussi l'histoire d'un autre homme qui va découvrir un monde qui n'est pas le sien et qui va l'obliger à réfléchir sur sa propre condition. On assiste donc à une véritable métamorphose sous nos yeux. Ici, c'est l'électricité et les découvertes de la science en général qui sont le cur du problème, mais on pourrait sans peine rapprocher le propos de toutes nos ressources que nous préférons gaspiller ou détruire plutôt que partager, parce que ça coûte moins cher de faire comme ça, ou parce qu'on a tout simplement pas envie de sortir du gouffre ceux qui en ont besoin. Comme souvent, on trouvera donc un propos social fort derrière le scénario de Warren Ellis.
Raulo Caceres assure donc un boulot pas simple. Tout faire de nuit, avec son style déjà très encré, ce n'est pas un sinécure, loin s'en faut. Ça n'en est d'ailleurs pas une non plus pour nos yeux qui ont parfois du mal à savoir ce qu'il se passe dans certaines cases. Manquerait parfois un ou deux luminaires dans la page ! Malgré cela, c'est du bel ouvrage. Caceres a un style qui ne pourra pas plaire à tout le monde, j'en suis persuadé. Il a assez brut, malgré une grande recherche dans les détails. Et non, ce n'est pas incompatible. Pour ma part, ce n'est pas le style que je préfère, mais je salue quand même le boulot et il ne m'a pas rebuté. Il donne même ce côté singulier et unique à la série.
Captain Swing et les pirates électriques de Cindery Island n'est peut-être pas la série de Warren Ellis qui restera le plus dans les esprits mais elle n'en reste pas moins un bon moment de distraction et de prise de conscience sociale par le plaisir.