Nous sommes dans les Pyrénées, au printemps 1919. La grande guerre est terminée, mais elle a laissé des traces. Indélébiles. Notamment sur le visage de Félix, un soldat qui a, comme beaucoup, reçu un éclat d'obus. A présent, le voilà défiguré, et portant constamment un demi-masque, afin de dissimuler les horreurs de la guerre. Le voilà qui revient dans son village, où il va enfin retrouver sa femme et son fils, qu'il n'a plus revu depuis cinq ans maintenant...
Rapidement, tous les regards sont tournés vers Félix. Des regards horrifiés au vu de la blessure évidente subie par l'enfant du pays. Pour autant, ce sont d'autres types de regards que Félix recherche. Il y a bien le maire qui a écrit un mot de bienvenu, ou encore le prêtre qui prévient Félix que sa femme Esther n'a pas eu une conduite des plus fidèles pendant ces cinq années d'absence.
Esther... Une jolie jeune femme qui fera tout pour porter autre chose qu'un regard horrifié à son mari, pendant que ce dernier apprend tout doucement à réapprivoiser son fils. Et puis, il y a toutes ces bêtes qui meurent, tuées par un fusil allemand, aux alentours du village. Un inspecteur de Paris est venu enquêter, et il a un point commun de taille avec Félix. Lui aussi a été blessé pendant la guerre, en y perdant un bras. De quoi rapprocher deux hommes blessés dans un même but...
Après Tahya El-Djazair qui se déroulait en Algérie pendant la guerre d'Algérie, nous en sommes là à la seconde collaboration entre Laurent Galandon au scénario, et A.Dan au dessin. Dans ce premier tome, les évènements se déroulent après la guerre, et la grande Histoire est finalement moins présente (encore que !) que dans d'autres séries de Galandon : je pense notamment à L'envolée sauvage, ou encore L'enfant maudit.
Ici, c'est à un village que le scénariste s'intéresse particulièrement, notamment à une famille de ce village, qui est déchirée, en morceaux, et qui va devoir apprendre à se recondtruire au fil des pages. Il y a bien un évènement extérieur qui vient troubler cette reconstruction, et qui donne du panache à la série, et la rencontre entre deux hommes blessés est tout à fait crédible et intéressante, donnant un punch non négligeable au récit.
Les dessins restent précis, et font la part belle à la lisibilité et au mouvement, comme ce que l'on pouvait voir dans Tahya El-Djazair. Le trait est plus sobre, moins fouilli parfois, et a gagné en mâturité.
Une nouvelle fois, une série de Galandon bougrement fouillée et accrocheuse, qui n'est pas sans s'appuyer sur certains éléments historiques (ou plutôt post-historiques ici) : on aurait tort de s'en priver.