La toute jeune et ravissante Esclarmonde, fille du seigneur des Murmures, ne veut pas épouser ce Lothaire de Montfaucon auquel son père l'a promise. Alors, elle ne dit rien mais, le jour de son mariage, à l'église, elle ne donne pas son consentement, et demande, au nom de Dieu, à être recluse dans une cellule attenante à une chapelle consacrée à Ste Agnès, qui devra être construite dans l'enceinte du château de Hautepierre, au domaine des Murmures.
En ce XIIe siècle, les volontés divines avaient force de loi, et tout est fait selon ce qu'avait ordonné la future recluse. Mais en ce XIIe siècle comme d'autres, les hommes sont ce qu'ils sont.
En tout cas, l'âme d'Esclarmonde, restée dans les pierres du château et de la chapelle, murmure inlassablement à l'oreille des visiteurs.
Ce superbe roman, prix Goncourt des lycéens 2011, est écrit dans une langue chatiée, riche, usant sans en abuser des anciens mots français. Outre qu'il rappelle l'existence de ces recluses qui trouvaient dans l'enfermement une forme étrange (peut-être la seule possible) de liberté, il conte l'histoire de plusieurs femmes à la fois banales et hors du commun : Esclarmonde, bien sûr, qui fait changer presque tout et tous autour d'elle, la nourrice, Douce, Bérangère... Toujours à la lisière du fantastique, cette histoire évoque à merveille ce temps où il paraissait possible qu'un cheval transpercé par une lourde herse continue à galoper, et que son spectre vengeur cherche encore des victimes.
D'autre part, même si c'est là l'histoire d'une jeune recluse, ce qui a priori peut sembler peu palpitant, toute une partie du roman se déroule en Terre Sainte pendant la troisième Croisade menée au départ par l'empereur Frédéric 1er Barberousse, ce qui fournit un contraste d'atmosphère et de paysages très bienvenu.
Enfin, le thème des liens entre parents et enfants (mère-fils, père-fils, père-fille) est traité longuement, sans mièvrerie mais au contraire avec une force et une sensorialité qui lui gardent toute sa charge émotionnelle.
Etant donné la forme de la transmission énoncée dans le roman et les "Toi qui m'écoutes" qui le parsèment, l'audio-livre est particulièrement adapté, d'autant que la musique originale de Christophe Hammerstrand, traversée de murmures, de sanglots, de cloches et de chants d'oiseaux, est superbe en plus d'être très appropriée, comme la douce et jeune voix d'Isabelle Carré.