Fred, Nadine, Iris, Chrys, Sue Ellen, Nora, Mathieu, Balloo et d'autres encore travaillent à la Brigade de Protection des Mineurs (BPM) de Paris. Tous les jours, ils croisent l'horreur qui s'abat sur les enfants. Que ce soit des parents ou des grands-parents qui violent leurs enfants ou petits-enfants, des bandes de jeunes qui sont lâchés dans les rues pour faire les poches, des adolescentes qui entrainent d'autres adolescentes dans de sordides tournantes, ils sont les témoins de ce que l'homme peut faire de plus abject à ses avenirs. Bien souvent, ceux qui se retrouvent dans leurs bureaux n'ont même pas conscience qu'ils commettent un crime. Mais la BPM est là pour le leur rappeler.
Malgré ce quotidien professionnel écurant, ils doivent aussi gérer leur propre vie. Fred est raide dingue de sa fille, mais les relations avec la mère de celle-ci sont très tendues. Iris tente d'avoir un enfant avec Franck, mais elle se fait vomir plusieurs fois par jour parce qu'elle n'est bien ni dans son corps ni dans sa tête. Nadine est en instance de divorce pour cause de tromperie. Et dans cette famille instable aux tempéraments à fleur de peau arrive Mélissa, une photographe qui doit immortaliser le quotidien des policiers. Malgré sa discrétion, sa présence ne convient pas à tout le monde.
Maïwenn a créé la surprise l'année dernière avec son dernier film, Polisse. Tourné presque à la manière d'un documentaire, on entre facilement dans le quotidien de cette brigade à part de la police. Malheureusement, dirais-je, parce que ce quotidien est terrible. Cependant, pas une seule seconde on ne tombe dans le pathos ou dans le misérabilisme. C'est un constat, affreux, certes, mais un constat. Bien sûr, on est clairement du côté des victimes, jamais de celui des agresseurs. Mais on ne juge personne, du moins tout est fait pour que personne ne soit jugé.
Le côté documentaire, notamment par le grain de la pellicule, apporte un côté très authentique. Il est relevé par le jeu des acteurs, sublimes. Personne n'en fait de trop, tout le monde est à sa place. Il y a beaucoup de personnages, volontairement. On ne suit pas un héros en particulier, même si Fred, incarné par JoeyStarr, est un peu plus mis en avant. Mais c'est un ensemble de personnalités écorchées que l'on suit. Un magma de rage, d'envie de bien faire, de frustration, tout ça condensé dans cette brigade qui essaye toujours de faire de son mieux, même si ce n'est pas forcément assez.
Les histoires de viol ou d'agression ne sont pas mises en scène, comme on peut en avoir l'habitude dans le cinéma. C'est très concret, très terre à terre. Réaliste. Et c'est certainement ce qui touche le plus. On ne se dit pas que ce n'est qu'un film ; on se dit que c'est la triste réalité. Cette mère, incarnée par Audrey Lamy, qui masturbe son aîné parce que ça le calme alors qu'il n'a même pas encore quatre ans, c'est terrible !
On suit donc ces policiers dans leur univers, avec leurs réussites, leurs échecs, leurs coups de gueule, leurs disputes, tout leur quotidien. Qui est finalement le nôtre aussi. Malgré toute cette merde qui nous entoure, Maïwenn arrive quand même par moment à montrer quelques lueurs d'espoir. Dans l'amour des proches, dans les liens qui unissent les gens. On pourra être choqué par cette scène de fou rire quand une jeune fille vient déclarer qu'elle s'est fait violer par plusieurs garçons et que tout le monde éclate de rire devant l'incongruité du pourquoi. Mais devant tant de bassesse, il faut bien que ces policiers puissent évacuer ce qu'ils ont en eux. Sauf qu'on ne choisit pas forcément le moment pour cela. C'est humain. Et c'est aussi pour ça que le film est si bien fait, parce qu'il est profondément humain. Simplement.
Polisse est donc un film dur, très dur. Mais c'est aussi un film touchant et plein de vie. Bref, un film à voir, sans aucun doute, mais quand on y est prêt.