Dans les années 2320, nous dit la quatrième de couverture (on n'a une notion de date qu'à la moitié du livre environ), dans un pensionnat appelé pension' par ses occupants, des jeunes gens âgés de treize à seize ans s'ennuient. Pour tromper leur ennui, et pour se rebeller contre l'autorité des Monos, ils redécouvrent la musique, forment des groupes, et chantent leur mal de vivre.
L'entrée en matière dans le roman est assez surprenante, les jeunes gens parlent chacun leur tour, un peu comme dans un interview. On réalise vite que le roman entier est construit ainsi. C'est parfois une véritable cacophonie, tout le monde parle presque en même temps.
On peut être rapidement dérouté car au départ, on ne comprend pas grand chose. En effet, les jeunes gens parlent de leur vie, avec leur quotidien de 2320, donc avec un vocabulaire ayant légèrement évolué depuis 2012, dans un environnement connu d'eux-seuls, aucune piste n'est donnée au lecteur. A lui d'imaginer.
On ressent la violence verbale, la drogue permanente, mais on a du mal à comprendre dans quel système sociétal on se trouve, en quoi consiste ce pension', qui sont les Monos, quel est le but de tout ceci, etc.
Le vocabulaire est très complexe, avec des termes techniques de 2320, donc complètement inconnu, les prénoms sont très originaux, comme par exemple marquis, lamonte, ou encore tecnic et ils n'ont pas de majuscule depuis la révolte de l'un d'entre eux, qui s'est farouchement opposé à la majuscule. Pour quelle raison ? On ne le saura pas.
C'est bien ce qui fait à la fois la force et la faiblesse de ce roman. On se retrouve catapulté dans un univers complètement différent, très réel, avec ses codes, ses moeurs, tel un voyeur qui observe et épie, mais sans rien comprendre.
Marquis est le personnage central de cette histoire. Dans la première partie, il est celui qui a amené la chanson aux autres, qui sert de modèle, une sorte de guide de la rébellion. Mais il est également le seul à ne pas connaitre la nature exacte du pension'. Dans la seconde partie, il rencontre une autre frange de la population de son monde. Et le lecteur découvre avec lui, bien des spécificités de ce futur imaginé avec brio par Catherine Dufour.
Une fois passée la surprise occasionnée par la forme très particulière de la narration, par une immersion totale et soudaine, et donc déstabilisante, dans un monde complètement inconnu, la lecture devient agréable et attractive. Découvrir les particularités de cet univers à travers quelques phrases qui semblent anodines devient un réel plaisir. Sans oublier une révélation finale bluffante !
Le lecteur ne peut pas rester passif, il doit en permanence imaginer, supposer, projeter, visualiser. On ne peut qu'admirer la prouesse de l'auteur.
Ce genre de lecture peut toutefois décourager les lecteurs occasionnels, tant elle sort de l'ordinaire. Et même pour les lecteurs plus chevronnés, il faut s'accrocher, persévérer, avant d'en découvrir la richesse cachée. Il faut le mériter, en quelque sorte !