Ivan et Niko sont frères. Mais le père n'aime pas Ivan, il le bat, s'acharne contre lui alors que de l'autre côté il adore Niko. Les deux garçons ne savent pas pourquoi ils sont traités différemment, et leur relation s'en ressent. Niko n'aime pas Ivan, mais c'est son frère. Ivan voudrait tuer Niko, car s'il n'existait pas, le père l'aimerait.
Mais le père ne se contente pas de frapper Ivan, l'alcool aidant, la mère y passe aussi. Jusqu'au jour où il va trop loin et où Niko la défend, rendant fou de rage son père qui se met à le frapper aussi, pour la première fois. Pour Ivan c'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase : il tue son père. Dès lors, la petite famille va se murer dans le silence, faisant comme si le père avait disparu. La mère renoue avec sa soeur, Vera, paralysée, et pour les enfants cela va être le début d'une nouvelle vie. Vera comprend qu'Ivan a besoin d'aide et assigne à Niko la charge d'être le gardien de son frère, pour toujours.
L'histoire repose ainsi essentiellement sur cette relation fraternelle mais atypique, née dans la comparaison et l'adversité. Vera leur a demandé de tenir un carnet d'idées noires, dans lequel chacun noterait ce dont il a besoin de se débarrasser pour garder la tête hors de l'eau. Ce sont avant tout les écrits de Niko qui viennent se poser en voix off sur les vignettes. Si lui s'en sort bien et fait de brillantes études, les choses sont nettement plus compliquées pour Ivan, qui a perdu une part de lui-même avec la mort du père. Et plus l'histoire avance, plus la relation entre les deux frères devient tendue, voire dangereuse. Car un secret de famille ressemblant à une malédiction vient s'abattre sur le lien ténu qui maintenait un semblant de fraternité.
Les planches sont à l'image de l'histoire, sombres, aussi bien par les couleurs que par les jeux d'ombre prononcés. Les traits sont durs et épais. Mais malgré la rudesse des dessins, ou justement parce qu'ils collent avec le propos, c'est un ouvrage qui se lit très facilement, avec avidité. L'histoire est déjà étoffée dès le départ, mais elle gagne en intensité et même en suspense à mesure que les deux garçons deviennent adultes, et que l'amour entre dans leur vie, avec la rivalité qui s'ensuit. On est aussi interpellés par la question du déterminisme qui transparait dans cette histoire. Si Ivan avait été plus aimé, serait-il devenu cet homme là ? S'il avait écrit dans son carnet, aurait-il exorcisé ses démons ?
Et enfin, Niko a-t-il su être le gardien de son frère ?