Les Chroniques de l'Imaginaire

Sarko m'a tuer - Davet, Gérard & Lhomme, Fabrice

À la veille du premier tour des élections présidentielles de 2012*, Nicolas Sarkozy est donné favori pour être un des deux qui seront au second tour. Président sortant, il se représente pour se succéder. Adulé par certains, décrié par d'autres, une chose est communément admise, c'est que Nicolas Sarkozy n'oublie rien. Et de cela, certaines personnes interrogées dans ce livre en ont pâtie. Pas qu'elles soient des antisarkozystes, mais quand on n'est pas avec lui, on est obligatoirement contre lui. Une vision un peu réductrice du monde mais qui résume bien le personnage et sa manière de jauger les gens.

Sarko m'a tuer est un livre qui, à sa sortie en 2011, a fait pas mal parler de lui. On sait que Nicolas Sarkozy a été mis en avant dans l'affaire Clearstream puisqu'il s'était porté partie civile mais il a aussi été mis en avant dans l'affaire Karachi, toujours en cours d'instruction. Son nom est apparu et les tentatives pour nous faire croire qu'il n'est impliqué dans rien, comme si on pouvait encore nous mentir en nous disant que la politique est propre et que personne n'a rien à se reprocher, sont somme toute assez dérisoires.

Loin de ne parler que de cette affaire, Sarko m'a tuer brosse un bilan, non exhaustif, des personnes qui se sont fait descendre ou broyer par la machine Sarkozy et les personnes qui l'entourent. Certains prendront tout comme de la pure vérité, d'autres crieront aux mensonges sans fondement. Je pense pour ma part qu'il n'y a pas de fumée sans feu et que même si le livre est assurément partisan, on ne peut pas lui enlever son incroyable travail de synthèse et d'analyse. On pourrait croire, par exemple, que seules des personnes de l'opposition ont témoignées, mais pas du tout. Il y a des gens reconnus de droite, comme Patrick Devedjian. Il y a de hauts fonctionnaires, chiraquiens pour beaucoup. Il y a aussi des journalistes qui ont osé faire leur métier. Bref, cela ne ressemble pas à une cabale montée par les adversaires politiques de Nicolas Sarkozy. Seulement, à force de mépriser les gens, de ne les accepter que quand ils peuvent servir, il peut s'avérer que la coupe soit pleine.

Plusieurs choses ressortent de la lecture de ce livre. La première, c'est que Nicolas Sarkozy n'oublie rien, comme nous l'avons déjà dit. La deuxième, c'est que son ambition est grande depuis fort longtemps, ce qui lui a permis au fil des années de mettre les gens de son entourage dans les postes qu'il savait clef pour la suite de sa carrière. Une autre, c'est qu'on est avec lui ou contre lui. Il n'y a pas de demi-mesure ni de possibilité de ne pas choisir. Encore, s'il y a boulette (je ne parle volontairement pas de faute) il y a forcément un coupable, et donc une tête qui doit tomber. De préférence une qui permette par la suite d'installer une personne encore plus proche de lui au poste en question. Enfin, il est évident qu'il aime broyer les gens et les humilier. Une simple réprimande ne peut suffire, il faut avilir, abaisser. Un plaisir malsain et dangereux pour une personne avec ce niveau de responsabilité.

Je ne parle pas des témoignages, ils parlent d'eux-mêmes. Cette lecture ne m'a pas dévoilé un personnage ; il est bien tel que je l'imaginais. Par contre, avoir des citations, des témoignages, des faits, des dates, des actes… cela rend les choses encore plus fortes et mon impression s'en trouve donc confortée. Mais c'est une lecture qui fait froid dans le dos. Nous français nous gargarisons bien souvent de vivre dans une démocratie et donnons des leçons aux autres. On se vente aussi de notre devise : Liberté, Egalité, Fraternité. Mais ce ne sont que des mots que les gens qui nous gouvernent, et en première ligne Nicolas Sarkozy, ne mettent jamais en application. Et où est la démocratie, la vraie, quand le pouvoir est concentré autant dans les mains d'un seul homme et qu'il l'utilise pour son bien personnel et celui de ses proches ?

Je tiens à ajouter que le style du livre fait qu'il se lit comme un roman. C'est fluide. Riche, certes, parce que bourré d'informations, mais fluide.

* cette chronique a bien été écrite la veille du premier tour des élections présidentielles de 2012, même si elle n'a été publiée que quelques jours après