Si Marie Caillou est bien née en France, à Montbéliard, sa carrière artistique l'a menée à développer ses talents créatifs au Japon, où son travail est très apprécié. Cela va de produits dérivés pour Sony aux dessins de kimonos pour une grande marque japonaise. C'est cette approche de la culture nippone qui lui a permis de produire Les Monstres de Mayuko.
Mayuko est une petite fille qui vit avec sa mère dans une maison isolée, à l'orée de la forêt. La terre est recouverte de neige, et la petite fille s'amuse à lancer des boules de neige sur les statuettes porte-bonheur placées près de leur demeure. Mais Mayuko a pris froid et se couche avec de la fièvre. C'est alors que Kitsune, la statuette renard, s'approche d'elle et la réveille. Prétextant de l'amener à sa mère pour un verre d'eau, il l'emmène en réalité dans un monde onirique, où le danger guette derrière chaque buisson et où Tanuki, la deuxième statuette, veut aussi s'emparer de la fillette.
Entrer dans le monde crée par Marie Caillou est un véritable enchantement. Au premier abord, ce qui frappe l'oeil, c'est la beauté des dessins. Dans un style très épuré, très doux, le Japon est là par les couleurs, douces et vives à la fois, par le dessin des kimonos, des paysages. Les traits sont précis et aérés, sans surcharge, et dans l'ensemble on pourrait avoir l'impression d'admirer un livre pour enfant.
Mais en lisant l'histoire on s'aperçoit vite qu'on est loin du compte. Nous avançons dans un monde onirique, mais relevant plus du cauchemar que du rêve. Mayuko n'est pas une petite fille douce et docile. Elle est plutôt capricieuse et grincheuse. Et puis elle évolue dans un univers inquiétant, avec des monstres qui font semblant d'être aimables ; et Kitsune a beau lui faire miroiter l'imminence d'un point d'eau elle continue à mourir de soif. Mayuko raconte elle-même l'histoire d'une jeune fille mangée morceau par morceau par un monstre marin, et une planche détaille précisément les différentes étapes du festin. Mais toujours dans de très belles couleurs, et de très beaux dessins. Ce qui donne à l'ensemble un caractère assez malsain, comme une image de jolie petite fille à bouclettes blondes avec une hache à la main. Et c'est ce qui est particulièrement fascinant dans cette oeuvre.
L'aventure de Mayuko est par ailleurs très agréable à suivre, pleine de surprises. Chaque fois qu'elle se sort d'une situation une autre pire encore surgit devant elle. Mais la petite fille ne se démonte pas et tient même tête à Kitsune et Tanuki. Jusqu'au dénouement final, sans surprise mais qui ne pouvait mieux terminer l'histoire et apporter la morale attendue.
Les Monstres de Mayuko oscille en permancence entre terreur et poésie, violence et douceur, innocence et perversité. C'est une oeuvre qui ne laisse pas indifférent et que je recommande pour sa puissance et sa singularité, en plus, évidemment, de sa beauté époustouflante.