L'équipe de Bahzell a été rejointe dans les souterrains de Troglodye, foyer des nains, par Kilthandahknarthas, dont le hradani avait fait la connaissance auparavant. Ce dernier lui révèle certains secrets de fabrication de l'acier et des armes, ce qui, en somme, caractérise le savoir-faire nain. Il s'agit d'un geste notable de confiance car personne n'a habituellement accès à ce mystère jalousement gardé. Il propose également à Bahzell de porter un message à son père, puisqu'il rentre à Hurgrum, dont la teneur est, en substance, d'armer ses gens et de les équiper avec les meilleures armures sorties des forges. À sa manière il offre son aide dans le combat que les Voleurs de Chevaux vont devoir mener contre les suppôts du ténébreux Sharnã sans s'engager nommément et physiquement dans la bataille.
On continue de suivre avec réjouissance les aventures de Bahzell et de ses comparses qui répandent sur ce roman un air amical et bon enfant. Ils passent quand même beaucoup de temps à se lancer des piques ou encore à se moquer gentiment les uns des autres, le tout accompagné de mouvements d'oreilles évocateurs en ce qui concerne les hradanis.
Un problème déjà soulevé précédemment refait surface ici ; il s'agit du rôle central occupé par Bahzell même si cet aspect a été en partie atténué dans le tome précédent. À un moment donné on assiste à un combat crucial entre Brandark et le fils de Churnazh. L'issue en est capitale car si l'Épée Sanglante élimine Chalgazh, cela peut mettre en péril l'alliance qui existe entre les deux tribus. L'auteur n'hésite pourtant pas à couper court afin de s'intéresser à la situation périlleuse du Champion. Le focus se trouve donc déplacé et on apprendra bien plus tard, au détour d'une simple phrase, ce qu'il est advenu lors de l'affrontement entre les duellistes.
On ne peut que déplorer ce parti pris puisque Brandark est toujours présenté en retrait par rapport à Bahzell et que, pour une fois qu'il peut se réaliser et faire montre de ses talents, il est, pour ainsi dire, relégué au second plan. Étant donné sa position vis-à-vis de son charismatique ami, il est dommage de lui faire subir un tel traitement car c'est un personnage qui contribue de manière essentielle à alléger l'atmosphère et qui offre un pendant plus qu'honorable au tempérament impétueux de Bahzell.
Ce récit fait tout de même montre d'une certaine intelligence par le biais de ses personnages parce que certains vont montrer assez de force de caractère pour éviter les bains de sang et de lourdes conséquences en terme de pertes humaines au profit d'une alliance fragile et forcément controversée. L'auteur réussit à ne pas faire baisser l'attention du lecteur tout en évitant de recourir à la violence d'une guerre ainsi qu'à l'action qui en découle, ce qui est plutôt courageux voire assez novateur.
Ce livre est également riche en figures féminines, ce qui manquait jusqu'à présent. À la présence de Kaeritha, viennent s'ajouter les surs de Bahzell, notamment Marglyth, qui occupe un poste capital dans l'entourage de son père. En effet, c'est elle qui est chargée de gouverner le pays en l'absence de ce dernier. On se rend également compte du rôle prépondérant que joue la mère de Bahzell, Arthanal, car malgré sa discrétion, elle met souvent son intelligence et son sens de la réflexion au service de son époux, au point que celui-ci, connaissant ses précieuses qualités, s'est battu contre son propre père afin d'épouser cette femme a l'aspect fragile qui dissimule des trésors sous une apparence effacée.
Au risque de se répéter, puisqu'il est assez compliqué de traiter séparément deux livres interdépendants, on ne peut que souligner, une fois de plus, l'intérêt, l'envie et la joie de lire qui se dégagent de cette histoire. Cette insistance est d'autant plus vigoureuse que Le Serment de l'Épée laissait penser que cette suite serait fastidieuse. Il est donc plus qu'évident qu'on recommande chaudement la découverte de cet univers.