Les Chroniques de l'Imaginaire

Solaris (Solaris - 182)

C'est bien vrai, M. l'éditorialiste : les numéros de Solaris se suivent et ne se ressemblent pas. Et je le dis en effet comme un compliment. Dans cette livraison (excellente, vous allez voir), le volet fiction est plutôt moins fourni que d'habitude, mais on y trouve des nouvelles intéressantes néanmoins :

Buffet à volonté, de Claude Lalumière : On dit qu'un vampire ne peut pas entrer quelque part sans y avoir été invité. Mais qu'en est-il de quelqu'un qui entrerait volontairement dans l'antre d'un vampire ? Jenny aurait bien dû se poser la question. Honnêtement, je ne raffole vraiment pas des vampires, mais j'ai bien aimé cette nouvelle, dont la fin, notamment, m'a paru inattendue.

Tout à la fois, de Dave Côté : Un homme dans une forêt tombe par hasard sur ce qui ressemble de façon confondante à un noyau de pêche, sans en être un, puis sur un cerf, qui n'en est pas un, puis la situation lui échappe... Enfin... si on veut... Difficile de parler sans la déflorer de cette nouvelle totalement déjantée, très originale et pleine d'humour, l'une des meilleures de celles présentées ici.

L'envers du labyrinthe, d'Ariane Gélinas : Drôle de trajet, drôle de cliente, et qui peut savoir où mènent les labyrinthes ? Encore un texte fort original, mais qui m'a laissée sur ma faim, et frustrée, parce que j'avais bien aimé le labyrinthe de pierre et de sable créé par l'auteure pour le numéro précédent.

Pièces détachées, de Martin Mercure : Débarqué après qu'un accident sur le bateau de pêche où il travaille lui a coûté son oreille gauche, Thibault a du mal à croire ce jeune prêtre qui lui affirme qu'il peut la remplacer. Voilà une superbe découverte que cette nouvelle pleine d'humour et d'originalité, d'une fantasy bien noire, écrite par un auteur encore en herbe, mais dont je guetterai dorénavant le nom.

Evolution, de Natasha Beaulieu : Anton voudrait TELLEMENT être un vampire ! C'est pour cela qu'il fréquente le Cold Hell, dans l'espoir qu'un jour l'un d'entre eux le remarque et le transforme à son tour. Bon OK les vampires sont à la mode, mais si tous les textes où ils rôdent avaient la qualité de celui-ci, je cesserais de m'en plaindre. Ce remake inattendu du vilain petit canard est vraiment très plaisant à lire. Décidément, son auteure se confirme comme une valeur sûre.

Le Daliaf, une entrevue avec Claude Janelle : Ce Dictionnaire des Auteurs des Littératures de l'Imaginaire en Amérique Française, qui vient de remporter le Prix Aurora-Boréal en non-fiction, semble un travail très précieux pour la recherche, et pour satisfaire la curiosité de tout amateur du genre. A lire cette interview, on se prend à regretter vivement qu'il n'en existe pas d'équivalent pour la France.

Psychanalyse (sauvage) des grands thèmes de la Science Fiction, d'Elisabeth Vonarburg : Dans ce long article touffu et passionnant, qui retient d'autant plus l'attention qu'il est écrit par une auteure reconnue depuis longtemps dans le genre, Vonarburg met en relief ce qui caractérise les textes de SF par rapport à ceux de littérature générale, ce qu'elle nomme "l'Autrement", et qu'elle divise en Autrement de l'espace, Autrement du temps, Autrement de la société, et Autrement des êtres. C'est convaincant, c'est fouillé, ça donne plein de pistes de réflexion, plein d'occasions de dire "oui, mais...", ça demande sûrement plusieurs relectures, et ça m'a fait mesurer combien ma culture science-fictive est encore déficiente. En somme, un article important d'une écrivaine importante.

Dans ses Carnets, le Futurible de service, c'est-à-dire Mario Tessier, se penche sur l'histoire de La poésie scientifique, ou l'univers en vers. Et là, autre claque : encore un truc qui m'avait totalement échappé ! C'était bien la peine de passer des heures à traduire le De natura rerum de Lucrèce pour ne pas me rendre compte que c'était un ouvrage scientifique... pour son époque ! Quant aux autres représentants de cette culture pratique des siècles écoulés, j'en ignorais jusqu'à l'existence. Certes, on pourrait dire que cela n'a qu'une importance anecdotique, mais c'est un rappel bienvenu de la relativité sinon de la science, du moins de la façon dont elle s'exprime et se diffuse dans la société.

Après ce feu d'artifice, j'ai trouvé le volet Lectures plutôt moins intéressant que d'habitude, mais d'une grande variété, tant dans sa version papier que numérique, qui se trouve ici.

A propos de numérique, pour ceux de plus en plus nombreux qui ont la possibilité de lire sous cette forme, une bonne nouvelle : vous pouvez trouver votre revue préférée par exemple ici à un prix intéressant.