Marcus Messner a toujours été un bon fils. Dès qu'il l'a pu, il a aidé son père dans sa boucherie kasher. Il a appris à couper la viande, à préparer les étals, à nettoyer les locaux de fond en comble. Il a même accepté de laver les poubelles dans la rue, à la vue des filles auprès de qui il ne pouvait plus tenter sa chance. Son père s'est toujours soucié de son fils unique, craignant qu'il n'ait de mauvaises fréquentations, qu'il ne tourne mal. Mais Marcus est toujours resté droit dans ses bottes. Si bien qu'alors qu'il vient d'entrer à l'université du coin, il décide de changer d'établissement et de partir à des kilomètres de là, là où son père ne pourra plus le questionner en permanence et mettre en doute son intégrité.
Ce roman retrace donc la vie d'étudiant de Marcus. Il est toujours studieux malgré les tentations, et trouve un petit boulot pour aider ses parents à payer les frais scolaires. Mais la vie en communauté ne lui simplifie pas les choses. Il est tiraillé par nécessité entre ses aspirations et la vie avec ses camarades, les règles de l'établissement, le qu'en dira-t-on ? Marcus est un jeune homme qui s'accommoderait très bien de sa vie s'il ne ressentait pas un sentiment d'injustice permanent, une indignation, pour ce qu'on lui reproche d'être ou ne pas être alors qu'il voudrait qu'on l'accepte tel qu'il est.
Indignation est un roman troublant. Marcus est tellement honnête, travailleur et... normal, qu'on a du mal à comprendre les reproches dont on l'accable. Ses gestes et paroles sont mal interprétées, ses intentions et fréquentations mal comprises. Le poids des autres sur le destin de chacun prend toute son importance ici, d'autant plus qu'on est dans la période de la guerre de Corée, ou des jeunes de l'âge de Marcus se battent quotidiennement dans les tranchées. Les pensées de Marcus, mais celles aussi du directeur sont très fortes, et résonnent encore après la lecture. L'épilogue est poignant, pour ce qu'il a d'universel. C'est un roman incroyablement fort relativement au nombre de pages. Un concentré d'émotions, de remises en questions, qui donnent au personnage de Marcus une consistance autre que celle d'un personnage de fiction. Il est la personnification de l'indignation dans ce qu'elle a de plus salutaire.