C'était le 11 mars 2011. Il était 16h15 au Japon, et à ce moment précis, la petite vie bien huilée des Japonais vole en éclat. Un séisme de magnitude 9 sur l'échelle de Richter dévaste la province du Tôhoku au nord du pays, la région proche de Sendaï. Tout le pays ressent cette secousse, qui fait aussi de nombreux dégâts à Tokyô comme dans de nombreuses autres villes de l'archipel nippon. Pire encore, la centrale nucléaire de Fukushima est endommagée tandis que Sendai et la côté pacifique est ravagée par un tsunami... conséquence logique de l'amplitude exceptionnelle du séisme.
Un an après, les conséquences sont encore bien visibles, et les esprits marqués. Il reste encore beaucoup à accomplir pour relancer les activités locales, et tout faire pour éviter le retour à un tel drame. De nature digne et discrets, les Japonais savent bien qu'ils ont besoin de l'aide internationale pour s'en sortir, et le temps passant, le monde oublie vite les événements. La France entretient cependant des liens privilégiés avec le Japon. En effet, les Français aiment l'empire du soleil levant, et la réciproque est exacte. D'ailleurs, ce n'est pas non plus pour rien que la France est le premier pays étranger lecteur de mangas.
Récemment racheté par un grand groupe éditorial japonais, Kazé Manga est donc l'éditeur français le plus concerné par la situation locale. C'est pourquoi les responsables de Kazé ont eu l'idée de faire une piqûre de rappel en organisant une oeuvre collective, fruit d'une collaboration franco-japonaise pour nous faire découvrir huit fictions réalistes, huit histoires parfois autobiographiques, huit regards sur le drame, au profit des sinistrés du 11 mars, via l'organisme de la Croix Rouge Japonaise.
Mis à part le côté "bonne action" du projet, la lecture de ces quelques 280 pages est loin d'être inintéressante. En effet, outre les sept histoires, chacun des dix dessinateurs et scénaristes japonais participants a répondu aux questions de Kazé Manga. Les graphismes des différentes histoires sont bien travaillés. Les huit planches couleurs correspondant à une idée d'image de couverture très appréciées. Les scénarios sont bien diversifiés pour nous donner une vision d'ensemble, et facilitent la possibilité de s'identifier aux personnages :
Un salary man qui pense à son épouse enceinte restée à la maison ; un garçon expatrié de chez lui, qui doit apprendre à vivre sans son petit frère, porté disparu ; une jeune fille qui sort des décombres et qui a peur d'être la dernière survivante ; un directeur d'une troupe théâtrale qui perd des amis proches ; un vieil homme qui a perdu tout ce qu'il possédait et ne veut pas quitter sa maison ; un père qui craint que son fils soit mort en ayant fugué son école pour chercher un souvenir précieux de sa mère au cimetière ; un ingénieur qui motive toute son équipe à reconstruire l'aéroport de Sendaï pour prouver à tous que le Kôhoku n'est pas mort ; et enfin un fan de cosplay de santai (les super-héros japonais comme Bioman) qui s'avère être un espoir pour les jeunes enfants juste après le séisme.
Là où j'adresserai un léger reproche, mais qui correspond bien à la mentalité habituelle des mangakas japonais, c'est celle de profiter de ce livre pour se faire connaitre à l'étranger. En effet, sur les dix mangakas, seul Katsura Takada était connu sur le territoire hexagonal, pour avoir collaboré au magazine Akiba Manga et sorti un volume de sa série, Terminus, un essai non transformé des éditions Ankama.
Néanmoins, je salue l'initiative, et la réalisation de ce beau recueil de mangas, à découvrir pour ne pas oublier, et soutenir le peuple japonais. Je le rappelle, les bénéfices sont intégralement reversés à la Croix Rouge Japonaise.