Dans la ville, un carrosse fonce à toutes allures faisant fi des travailleurs qui manquent de peu de se faire renverser. Mais c'est la femme du roi, la nouvelle, celle qu'on surnomme la Sorcière, alors personne n'ose hausser le ton. Surtout qu'elle file rejoindre son mari qui, étonnement, se meurt d'une mort étrange. À son chevet se trouve sa jeune fille, Blanche Neige. Il se souvient, en compagnie de sa fille, de la raison qui amena sa première épouse à choisir ce prénom insolite. C'est alors que surgit la reine. Le roi, sentant son heure arriver, veut lui faire promettre de bien s'occuper de son enfant. La reine promet, oui, mais les mots qui sont chuchotés à l'oreille du suzerain lui font ouvrir des yeux d'effroi avant d'expirer son dernier souffle. La reine exige alors de prendre la couronne et fait savoir dans tout le royaume que son règne débute. Un temps sombre.
On connait tous le conte des frères Grimm, popularisé en 1937 par le premier long métrage des industries Disney. On a donc tous en tête cette Blanche Neige à la coupe très mireillemathieunonesque et qui se trouve être quand même une jeune fille un peu niaise, même si très serviable (nous sommes quand même à une époque où la femme est censée servir l'homme et doit savoir tenir une maison). La Blanche Neige que nous proposent de découvrir L'Hermenier et Looky est très loin de ce standard. Elle ressemble plus à une voyageuse se transformant peu à peu en femme forte et obstinée. Les nains ne sont pas de gentils lurons mais font partie d'un peuple cannibale (celle-là, je l'ai beaucoup aimée). Tous les craignent, même s'ils ne sont pas aussi mauvais que les légendes le laissent entendre. Et le peuple n'attend pas sagement qu'une hypothétique princesse que tout le monde croit morte vienne le délivrer ; certains sont prêts à se rebeller contre la tyrannie d'une femme avide de pouvoir. Au niveau du scénario, c'est donc novateur et bigrement intéressant même si tous les éléments narratifs de base du conte sont présents.
Au dessin, on retrouve Looky, secondé par Dem. Quand il n'est pas obligé de respecter un cahier des charges de reprise d'un dessin existant, Looky est capable de beaucoup plus se lâcher et nous montrer un de ses multiples visages. Et celui qu'il nous montre ici est très agréable (cela ressemble beaucoup, dans l'esprit et le trait, à la couverture du septième et dernier tome de Nocturnes rouges, paru chez Soleil). Nous avons un trait subtil qui fait la part belle aux personnages, même si les décors sont travaillés sans pour autant être surchargés. Les cadrages sont eux aussi travaillés et ne se contentent pas de nous narrer une histoire bêtement. Bref, c'est du beau travail rehaussé par les couleurs de Sébastien Lamirand.
Mis à part quelques transitions un peu trop abruptes, ce one shot est extrêmement plaisant à lire. Les bonus et le cahier graphique ajoutent encore en qualité à ce tome qui en est déjà bien pourvu. C'est donc une lecture que je vous conseille fortement.