En 1955, Marilyn Monroe est au fait de sa gloire. Le public l'a applaudie dans de nombreux films à succès, dont Les hommes préfèrent les blondes et Comment épouser un millionnaire. Malgré ce triomphe, l'actrice n'est pas satisfaite de sa carrière. Elle ne supporte plus son image de blonde évaporée. Son désir d'être reconnue plus pour son professionnalisme que pour sa plastique, sa volonté de se distinguer dans des films lui permettant de montrer d'autres facettes de son talent vont la pousser à une rupture avec la Fox. Suite à quoi l'actrice part pour New-York avec le projet osé de fonder sa propre maison de production, les Marilyn Monroe Productions.
Ce tournant dans sa vie professionnelle s'accompagne de bouleversements sur le plan personnel : son divorce d'avec Joe DiMaggio, célèbre joueur de base-ball à la retraite, est prononcé quelques mois avant sa rupture professionnelle. Le départ de Marilyn Monroe pour New-York est donc doublement symbolique. Elle veut laisser le passé derrière elle, et être enfin reconnue comme une véritable actrice, une femme forte maîtresse d'elle-même et de son destin.
En mars 1955, le magazine Redbook embauche Ed Feingersh, un photographe d'une trentaine d'années, pour illustrer un long portrait de l'actrice. Redbook projette de montrer Marilyn Monroe comme personne ne l'a jamais vue.
Ed Feingersh a pour habitude de travailler sans trahir la réalité. Il préfère la lumière naturelle à celle des studios, privilégie les mouvements à la pose. Cette authenticité correspond en tout point à la démarche personnelle de Marilyn Monroe à cette période de sa vie. Elle se prête donc volontiers au jeu pendant cinq jours. Certaines des photos prises par Feingersh feront parti de l'iconographie la plus célèbre de l'actrice, dont celle qui la montre aspergeant son décolleté de quelques gouttes de Chanel n°5.
Une blonde à Manhattan, c'est l'histoire de la rencontre entre ce photographe authentique et l'actrice la plus célèbre des Etats-Unis. Deux cahiers iconographiques présentent les photos de Feingersh. La première partie du livre y est consacrée, la seconde retrace les années qui ont suivi et les trajectoires parallèles des deux personnages. D'apparence très différents - Feingersh travaillait dans l'ombre, Marilyn sous le feu des projecteurs ; elle est sublime, lui physiquement insignifiant -, l'actrice et le photographe étaient pourtant dotés d'une sensibilité assez proche et d'une même quête de vérité personnelle. Leurs dernières années de vie, exposées ainsi en miroir, semblent curieusement similaires : dépression, auto-destruction par l'alcool et/ou les médicaments et mort précoce. Ed s'éteint le 12 juin 1961, Marilyn le 5 août 1962, tous deux dans des conditions obscures.
Une blonde à Manhattan est une lecture intéressante, qui montre l'actrice dans une période de son existence pleine d'enthousiasme, de désir d'avancer et de se renouveler. Le contraste avec la seconde partie du livre est d'autant plus saisissant. Malgré son besoin de changement, Marilyn Monroe s'est rapidement retrouvé face à ses démons. On ne lui proposera jamais les rôles dramatiques auxquels elle aspirait. Ses grands succès à venir (Sept ans de réflexion, Certains l'aiment chaud) présenteront d'elle toujours la même image : une blonde sculpturale et un peu idiote.
Au-delà d'un énième livre sur l'actrice, Une blonde à Manhattan est un hommage à Ed Feingersh, un photographe talentueux mais méconnu. Son travail n'est malheureusement pas passé à la postérité, occulté par cette série sur Marilyn redécouverte dans son intégralité dans un hangar de Brooklyn en 1987. Tous ses autres travaux ont disparu. On sent bien dans cet ouvrage l'admiration d'Adrien Gombeaud pour le photographe, son envie de faire en sorte que son talent soit enfin reconnu. L'écrivain s'est longuement documenté avant de se lancer dans l'écriture, notamment au travers d'entretiens avec les quelques rares personnes encore en vie qui ont connu Feingersh.
Adrien Gombeaud livre également des réflexions intéressantes sur la photographie, et sur le rapport que les personnages publics entretiennent avec leur image. Un sujet qui touchait de près Marilyn Monroe, qui ne se sentait vivante que sous l'oeil des caméras.
Toutes ces qualités font d'Une blonde à Manhattan un livre passionnant et instructif, qui fera le bonheur des amateurs de cinéma, de photographie, et bien sûr des fans de l'actrice.