Les Chroniques de l'Imaginaire

Sortilèges et manipulations (Tif et Tondu - 11) - Desberg, Stephen & Will

Les quatre albums présentés dans ce onzième numéro de l'intégrale de Tif et Tondu sont initialement parus entre 1987 (pour Magdalena) et 1991 (pour Coups durs), avec Les phalanges de Jeanne d'Arc (1988) et La tentation du bien (1989). C'est désormais bien Stephen Desberg qui tient les rênes scénaristiques de la série, et ce depuis quelques albums et le départ de Tillieux. Côté crayons, on retrouve toujours le dessin si caractéristique de Will, et ce pour la dernière fois, avant que le dessinateur ne passe vers des séries bien plus adultes, à commencer par Le jardin des désirs, dans la collection Aire Libre de Dupuis, où les dames dénudées sont légion...

Et cela se remarque dans cette intégrale, où Will ne peut s'empêcher de dessiner d'agréables créatures féminines dès qu'il en a l'occasion. On est bien loin des débuts de la série, et on sent que graphiquement, les choses se sont détendues au niveau des éditions Dupuis. Dans Magdalena pour commencer, Tif et Tondu sont tous deux face à une étrange affaire de rapts. Les vols sont très particuliers, puisqu'ils concernent des parties de Magdalena, un splendide automate féminin que les créateurs ont toujours cherché à conserver en plusieurs morceaux éparpillés.

A ce qu'on raconte, Magdalena ne doit pas être reconstituée, car elle constituerait un passage entre le monde des humains et un monde parallèle peuplé d'automates... En attendant, Tif et Tondu vont tenter de protéger les riches propriétaires de différentes parties du corps de Magdalena, même si rien n'y fait. Au fur et à mesure de l'avancée dans l'histoire, le corps de l'automate parvient à être reconstitué petit à petit, jusqu'à un final bien sûr étonnant...

Puis nous enchaînons sur Les phalanges de Jeanne d'Arc et La tentation du bien, deux livres qui pourraient tout à fait faire l'objet d'un diptyque. Le scénario de Stephen Desberg est ici plus sombre, plus noir, et met à jour des modes de pensées différents entre Tif et Tondu. Les deux héros viennent de perdre complètement leur fortune, et à présent les voilà amenés à travailler normalement pour gagner leur vie...

La situation dure un temps, mais Tif a vraiment du mal à quitter un train de vie qu'il avait bien confortable depuis quelques années. Associé à cela, la célébrité des deux héros tombe en flèche devant l'émergence de deux autres super agents, Phil Harmonic et Paul Ennta... C'en est trop pour Tif qui se sépare de Tondu en acceptant de rejoindre une organisation louche, qui semble bien proche des idées d'une certaine Marine actuelle.

Nous terminons l'intégrale avec une des trois mini-histoires de Coups durs, dont une autre est déjà parue dans une précédente intégrale. L'intérêt de cette mini-histoire est bien plus anecdotique, laissant le véritable intérêt de ce tome dans le diptyque sus-nommé. Desberg insuffle une profondeur nouvelle dans des personnages qui auront été cultes à l'époque, mais qui auront un peu vieilli au cours des dernières années.

Ici, nous retrouvons des idées noires, des trahisons entre deux personnages qui étaient jusqu'à présent unis et inséparables. Tif aime le luxe, et de façon éhontée : cela en devient presque dérangeant, jusqu'à ce qu'une belle pirouette scénaristique survienne, surprenant le lecteur par son côté inattendu. De même, le tome dispose d'une profondeur politique notable, et de certains dialogues à la limite du bon goût, qui pourrait franchement heurter certaines sensibilités de nos jours.

Une intégrale réussie donc, qui nous permet de voir une portion des talents d'un futur grand scénariste. L'intégrale est aussi l'occasion d'admirer pour la dernière fois les dessins de Will sur une série jeunesse, sur la série sur laquelle il aura planché durant plusieurs décennies. A mettre entre toutes les mains encore une fois, aussi bien pour la découverte que pour la relecture !