Les Chroniques de l'Imaginaire

Transition - Banks, Iain M.

Supposons qu'il existe une infinité de mondes. Supposons que des gens naturellement doués pour cela puissent, après une formation et grâce à une drogue, le Septus, transiter entre eux. Supposons que la majorité de la population en soit incapable, et même ignorante, dans la plupart des mondes. Il faudrait bien qu'une organisation surveille ceux qui se livrent à cette activité après les avoir recrutés, n'est-ce pas ? Et connaître les multiples alternatives engendrées par des choix implique la responsabilité de tout faire pour éviter les pires. C'est là le but du Concern, ou du moins de son Conseil Central, au sein duquel Mme d'Ortolan a le pouvoir le plus important.

Mme Mulverhill, pour sa part, estime qu'il pourrait y avoir d'autres buts, à l'heure actuelle insuffisamment explorés, et que les buts actuels ne sont pas ceux généralement connus. Quant à Temudjin Oh, il se satisfait parfaitement de son rôle de pion, contrairement à Adrian Cubbish, bien décidé à devenir riche.

Le lecteur de ce roman ne cesse de faire l'expérience même de désorientation que peut éprouver un "transitionnaire", passant sans arrêt d'un personnage à un autre, d'un lieu à un autre, d'un temps à un autre. C'est assez déroutant, et entraîne un temps de mise en place longuet.

Par ailleurs, si les éléments science-fictifs sont évidents (le thème de la multiplicité des univers est un classique de ces dernières années), ils ne sont guère que des prétextes à une histoire d'espionnage et de lutte pour le pouvoir au sein d'une grande entreprise ou organisation quelle qu'elle soit. Certains éléments a priori SF se transforment d'ailleurs graduellement en super-pouvoirs plus habituels dans la fantasy.

Nonobstant ces quelques réserves, l'histoire est prenante, passé le premier tiers, les personnages, chacun doté de son langage propre, clairement identifiables, et surtout le style détaché, à l'humour discret, sont vraiment plaisants. Si la réflexion sur la torture et son usage, dont l'auteur lui-même reconnaît qu'elle provient des informations à propos d'Abu Ghraib, est particulière à ce roman, on y retrouve néanmoins, notamment dans la description des fêtes, toute la flamboyance baroque du créateur de la Culture, comme son talent indéniable pour les intriques et les traques complexes. En somme, un Banks assez réussi, même s'il ne fait pas partie de ses meilleurs, qui fait passer un bon moment de lecture.