Un bon écrivain écrit bien, quel que soit le genre dans lequel il s'exprime le plus couramment, c'est une évidence, parfaitement démontrée, s'il en était besoin, dans le présent ouvrage. En effet, Ray Bradbury, auteur de ces chefs-d'oeuvre incontestés de la SF que sont les Chroniques martiennes et Fahrenheit 451, ne s'est pas limité à ce genre, tellement d'ailleurs que le choix du genre "SF" pour le classement de ce recueil m'a posé des difficultés. En effet, sur les vingt deux nouvelles qu'il contient, j'en classerais trois ou quatre en fantasy, une ou deux en fantastique, sept en SF, et neuf à onze en littérature blanche !
A part une nouvelle clairement post-apocalyptique (Le sourire), qui évoque d'ailleurs de loin Fahrenheit 451 de par son ambiance et son objet, les autres textes de science-fiction sont des histoires de voyage dans l'espace, ou se déroulent sur Mars (Ils avaient la peau brune et les yeux dorés et La vitre couleur fraise) ou Vénus (Et l'été ne dura qu'un jour).
Ce recueil a aussi un intérêt "historique" en ce qu'il montre bien les préoccupations des auteurs de SF dans les années soixante : peur de la guerre atomique, conviction que l'avenir de l'humanité était dans l'espace et fascination pour le vol.
On retrouve en général dans ces nouvelles ce qui fait tout le charme caractéristique de l'auteur : amour conjugal et familial (Un remède à la mélancolie, Le raccomodeur de ménages, L'heure du grand départ, La vitre couleur fraise ou Le cadeau) ; amitié et partage (Le splendide costume glace à la vanille, Le jour où la pluie tomba, Le premier soir de Carême) ; la nécessité de l'art pour vivre (Par un beau jour d'été, Le jour où la pluie tomba, Le sourire). L'étrangeté du monde où nous vivons (mais est-ce bien celui où nous vivons ?) est soulignée dans Le dragon, La ville où personne n'est descendu et Coucher de soleil sur la plage.
Pour qui ne connaîtrait pas encore ce grand écrivain, récemment disparu, ce recueil est une bonne façon de s'en approcher. C'est aussi une bonne indication pour les gens qui "n'aiment pas la science-fiction", du fait qu'ils en liront sans en être effarouchés (pas de guerre des étoiles, pas de mots compliqués, et des personnages humains, trop humains). C'est aussi, évidemment, un régal pour tous les amateurs de SF et de Bradbury qui ne l'auraient pas encore lu !