A Marstal, on est marin de père en fils, et l'on est plus souvent noyé qu'enterré. Mais pas toujours. Ainsi, en 1848, Laurids Madsen échappe-t-il in extremis à la mort dans l'explosion du vaisseau où il se trouvait. Son fils, Albert Madsen, après avoir navigué sur tous les océans, mourra bêtement à deux pas de chez lui. Autour d'eux, des hommes, des femmes et des bateaux, tout un monde, ou plutôt deux mondes, imperméables l'un à l'autre.
Ce créateur danois à peu près inconnu, au talent homérique a donné vie dans ce roman à toute une foule de personnages étonnants, grouillants de vie, extraordinaires, magnifiquement nuancés et complexes, la palme revenant sans doute, dans ce domaine, à Herman.
Le roman se déroule sur cent ans, de 1848 à 1945, et on y voit les changements du monde sous l'angle de ceux qui surviennent dans l'univers des marins, non seulement en ce qui concerne le matériel (le passage de la marine à voile, en bois, à la marine à vapeur, aux coques en fer) mais aussi le changement d'esprit (avec l'abandon des hommes à la mer, ce qui manque rendre fou Knud Erik). Bien sûr, il enchantera tous les amateurs d'aventures maritimes, mais pas seulement, du fait que l'action est également partagée entre la terre et la mer.
L'auteur s'y entend à maintenir l'attention du lecteur, qu'il nous raconte une tempête, une poursuite improbable d'un vaisseau par un canot, ou la férocité d'un maître d'école, et c'est pourquoi le nombre de pages ne doit pas effrayer : c'est une histoire qui se lit de façon fluide, il se passe toujours quelque chose, on a toujours envie de savoir la suite. C'est aussi un de ces romans qui se déroulent dans un univers quasi-clos, qu'il s'agisse des marins ou de la ville de Marstal, où on connaît tous les personnages, qui ont des liens entre eux depuis toujours, et cela donne une atmosphère très particulière.
Ce roman, grand succès de critique et de librairie dans son pays, a obtenu le Danske Banks Litteraturpris.