Les Chroniques de l'Imaginaire

Bienvenue à Oakland - Williamson, Eric Miles

Oakland, vous connaissez ? C'est une des grosses villes de la baie de San Francisco, là où jouent les Raiders. Vue splendide sur l'océan, climat méditerranéen, ensoleillement optimal, vie à la californienne, vous pensez : cool. Réveillez-vous, T-Bird Murphy va vous faire visiter et vous racontez comment on vit dans le coin... Bienvenue à Oakland !

La visite risque de vous faire fuir mais T-Bird a de la gouaille et pour peu que vous mettiez les tournées, il vous racontera des histoires et des galères de la vie de tous les jours dans cette ville, les siennes et celles de ses potes.

En dialogue constant avec vous, cet enfant d'immigrés irlandais né dans un ghetto black et élevé par un père qui n'est pas le sien après que sa mère se soit tirée avec les Hell's, dresse un portait acide des oubliés de la société américaine - l'american dream ne s'est pas arrêté ici. Ceux à la marge du système, ceux qui faisaient partie de la classe moyenne et qui sont tombés un cran plus bas dans l'échelle sociale. Pas encore des clodos mais sans avenir ni espoir après que leur femme les aient entubés profond avec un divorce et une pension alimentaire ou après avoir déconnés. Ceux qui crèvent en exerçant des boulots de merde.

Williamson, par la bouche de T-Bird, nous rappelle que les luttes entre les classes ne prendront jamais fin dans ce roman social noir sans verser dans le misérabilisme ou l'angélisation des laissés pour compte. La vie est dure dans ces quartiers mais les gens se rapprochent et une solidarité se crée entre ceux qui sont dans la merde. Et parmi eux, certains comme T-Bird entretiennent l'espoir que les choses pourraient aller mieux un jour.

Ce roman urbain n'a pas d'intrigue ni d'enquête, la chronologie du texte est même plutôt confuse. C'est surprenant lors de la lecture des premiers chapitres mais on prend très vite le truc car le chaos est maîtrisé comme lors d'un concert de jazz. T-Bird raconte sans mettre de gant des tranches de sa vie ou de celles de ses potes, crues et puantes. Et l'ordre, au final, on s'en fout, on remet un verre à T-Bird, on relance le juke-box et on écoute l'histoire suivante parce que monsieur T-Bird les raconte à merveille.

Noir et brillant.