Les Chroniques de l'Imaginaire

Les yeux des morts - Marpeau, Elsa

Gabriel Ilinski en est sûr, cet adolescent, un oeil de pharaon tatoué sur le bras, n'est pas mort d'une simple overdose. Même si les indices sont trompeurs, l'analyse de l'autopsie indique la présence de KCl. Un produit qui tue dans les instant après. Or les autorités ne semblent pas s'intéresser à cette simple affaire et Gabriel, simple technicien de scènes de crime, n'a pas le pouvoir d'influencer les priorités. Il décide donc de mener sa propre enquête en se faisant admettre aux urgences de l'hôpital Lariboisière, lieu suspect. Des morts, il y en a, sont-ils tous innocents ?

Les yeux des morts donne la chair de poule. Le lieu, d'abord, les urgences d'un hôpital dans un quartier de misère. Un lieu aseptisé où on cache les morts par soucis des vivants. Un lieu où les soignants, pour se libérer de la noirceur des lieux, se complaisent dans les plaisanteries cochonnes. Les personnages, pas toujours des anges, pas toujours chaleureux, mais qui tiennent le coup quant il s'agit de sauver des vies. Enfin, la trame, des faits sont présentés mais il y a trop de mystères que entourent ces corps blessés.

L'auteur Elsa Marpeau sait planter le décor et sait nous tremper d'entrée de jeu dans le mystère et le secret. A travers les histoires de meurtres, on sent aussi la souffrance psychologique. Un gros travail sur les personnages est fait et surtout sur l'aspect relationnel entre elles. Gabriel Illinski est instable, côté cœur. Il a eu une relation avec son chef mais elle a voulu en finir. Il tente alors un rapprochement avec le docteur en chef des urgences. Mais sa vision des choses est malsaine, maladive. Il y a aussi la relation qu'entreprennent les soignants avec leurs patients et le personnel entre eux. Et on sent qu'on frôle toujours dangereusement l'éthique.

Enfin, l'enquête nous entraîne dans les méandres de nombreuses fausses pistes. On pense que l'affaire est réglée, que l'assassin est découvert et qu'il ne reste plus qu'à le prendre sur le vif. Mais on se trompe : les choses ne sont pas ce qu'elles reflètent. On s'aperçoit alors que les conclusions sont trop hâtives et construites sur de vagues impressions. J'ai lu beaucoup d'enquêtes dans le monde médical, à travers des auteurs comme Robin Cook ou certains romans de Harlan Coben, mais je ne me souviens pas d'un tel acharnement à montrer la survie de l'être humain dans le monde dur de l'hôpital.

Les yeux des morts laisse le lecteur dans le brouillard, avec la sensation d'une froideur humide. L'auteur a essayé de montrer que, face à l'horreur de la mort, l'homme cherche à se protéger par tous les moyens mais cela crée ainsi des êtres étranges, différents. Elsa Marpeau a très bien su travailler une enquête, hors norme, où le roman psychologique prime sur le roman policier. Un très bon ouvrage qui vous glace le sang.