Un immense homme barbu et nu est en pleine nature, en compagnie des loups. Il fait des offrandes d'animaux à Allah, et il est probable qu'il offre une partie de son propre sang. Au loin, un loup hurle dans la nuit, à l'approche d'une procession de frères musulmans, qui sont à la recherche de l'ancien guerrier nu.
Ailleurs, dans une cité catholique, l'évèque a bien du mal à suivre le programme de la journée. L'homme est un vieillard, qui ne parvient même plus à se tenir droit. Il doit à présent bénir une lance, qui est la lance qui a percé les flancs de Jésus-Christ, lorsque celui-ci était sur la croix. L'objet est une relique sacrée, fort lourde, et l'évèque ne peut s'empêcher de la lâcher alors qu'il la portait en haut de la foule. La lance tombe, et blesse de façon heureusement légère un jeune homme qui passait par là par hasard, dont la tâche était simplement d'empoisonner les rats de plus en plus nombreux dans la ville.
Cet homme est donc un inconnu, et en ces temps de crises de religions, il n'en fallait pas plus pour en faire un miraculé, et le nouveau pélerin du christianisme, à mettre en avant face aux futurs affrontements avec les musulmans. Le saint homme n'est pas vraiment ce que les religieux aimeraient qu'il soit... C'est un fainéant, gourmand, qui aime plus la vie et les femmes que les prières et les monastères. Les heures de prières qui lui sont imposées ne lui sont d'aucun intérêt, et le jeune homme en question s'échappe naturellement à la première occcasion...
Côté musulman, on est aussi à la recherche du prochain pélerin. Les candidats ne se bousculent pas vraiment au portillon, aussi décide t'on de retrouver Ferragus, un noble guerrier qui se bat sans heaule, et qui a malgré cela remporté de nombreuses victoires. On dit que l'homme est un peu fou, et vit seul et nu dans la forêt, mais une délégation est aussitôt envoyée à sa recherche. Une délégation qui comprend une femme en son sein, une femme qui a un lourd passif avec ce Ferragus...
C'est à une confrontation de religions que nous avons à faire ici avec ce Furioso, one-shot de plus de 130 planches paru chez Futuropolis. Le livre nous propose de passer des catholiques aux musulmans, de façon alternative. Les deux camps sont confrontés au même problème : trouver le prochain pélerin qui les représentera. L'époque est difficile, et les gens ont besoin d'être réconfortés dans leur foi. Alors, il est difficile pour les hautes autorités de rester les bras croisés.
Mais d'un côté, on a un jeune homme qui n'a pas du tout les épaules ou la carrure d'un meneur d'hommes, et de l'autre, on va devoir refaire confiance à quelqu'un dont la gloire semble plutôt être derrière lui. Mais d'un côté comme de l'autre, est-il possible de faire un choix différent que celui que Dieu (ou Allah) a fait pour les hommes ? D'autant que toute tentative dans ce sens se solde toujours par un échec cuisant...
Graphiquement, Lorenzo Chiavini (qui est aussi le scénariste de ce livre) utilise un dessin travaillé, simpliste : on oublie les détails à outrance, au profit de la lisibilité, du mouvement et des expressions des personnages. Le lecteur n'a aucun mal à suivre le récit, malgré que celui-ci switche souvent entre les catholiques et les musulmans. Le message religieux est aussi important dans ce livre, et tient une place de choix. Les uns comme les autres sont humains avant tout, et ont finalement les mêmes problématiques, en ces périodes troubles et reculées.
Ce Furioso constitue un beau livre d'auteur, roman graphique particulièrement intelligent, qu'il est bien agréable de parcourir.
