Après avoir tué M. Martin, son ancien employeur, pour des motifs peu clairs mais probablement sordides, la jeune Charlotte emmène son amant, Joseph Mittel, lui aussi anarchiste, et fils d'un membre de la bande à Bonnot disparue, dans une cavale qui les conduit à bord d'un cargo, Le Croix de vie, dont le capitaine accepte de les embarquer. C'est bien sûr dans sa cabine que voyage Charlotte, cependant que Mittel est intégré à l'équipage. Malheureusement, les affaires de contrebande de Mopps, le capitaine, tombent à l'eau, et par ailleurs la police recherche activement les deux amants, soupçonnés de s'être enfuis à bord du cargo.
L'ambiance, les péripéties et les personnages sont très "datés", mais il n'empêche que ce roman se lit toujours avec plaisir. La lente déréliction des hommes aspirés par cet espèce de trou noir, cette femme fatale, au sens propre du terme, qu'est Charlotte, est rendue de façon crédible, donnant à regretter que ce type de personnage féminin, hautement fantasmatique s'il en fut jamais, ait disparu de la littérature, alors qu'il y était fréquent au début du XXe siècle.
Ce n'est pas vraiment un roman policier, même s'il y a bel et bien une mort suspecte, dont on ne saura pas vraiment s'il s'agit d'un suicide ou d'un meurtre, et ce doute est bien symptomatique du malaise dans lequel s'enfonce Mittel. L'écriture est précise, riche, sans donner l'impression d'être recherchée, et ce roman donne bien envie de relire d'autres oeuvres plus connues de l'auteur.