Les Chroniques de l'Imaginaire

La 7e victime - Marinina, Alexandra

Ca pourrait sonner comme une comptine : une victime, deux victimes, trois victimes, et c’est ta faute, quatre victimes, puis une cinquième, mais quel est le lien avec toi, six victimes… et la septième ce sera toi !

Une comptine bien morbide pour l’enquêtrice Anastasia Pavlovna Kamenskaïa et la juge d’instruction principale Tatiana Grigorievna Obraztsova. Soutenues l’une par l’autre, les deux amies se sont rendues sur le plateau d’une des chaînes principales de Moscou pour participer à une émission télévisée très populaire. Au cours de ce talkshow dédié aux femmes qui ont réussi dans des métiers plutôt masculins, elles s’expriment sur ce qui fait leur vie et ce qui les motive jour après jour dans des professions peu commodes, et parfois difficiles à concilier avec une vie de famille. Quand, soudain, par-dessus le public, elles voient apparaître une pancarte, défi d’un anonyme : "Puisque tu es tellement intelligente, devine où tu vas rencontrer la mort".

Qui est visé par ce message on ne peut plus inquiétant ? Anastasia Pavlovna, Tatiana Grigorievna ? Touchera-t-on à leur proches, enfant, mari ? Ponctué quasiment instantanément d’un premier cadavre qui n’a de lien ni avec Nastia ni avec Tania, il faut prendre le macabre plaisantin au sérieux. Car les corps pleuvent, sans lien entre eux, sans lien avec les protagonistes. La tension monte, leurs situations financières sont précaires, les soucis personnels et professionnels sont légion, et le sommeil se fait rare pour nos deux héroïnes. Et la ronde du meurtrier les mènera là où elles ne s’attendaient pas à chercher.

Un énième roman pour la célèbre auteur russe Alexandra Marinina, ancien lieutenant colonel de la milice de Moscou. La 7e victime emporte la narration et le lecteur aux frontières de la violence désinhibée que l’on cache tout au fond de soi pour rester respectable et admiré. Dans une ambiance très slave tissée dans la trame culturelle et gastronomique moscovites (eh oui, les traditions linguistiques sont elles aussi respectées : en Russie on utilise des surnoms, et rarement le nom de famille, ça complique des fois un peu la compréhension si l’on n’a pas l’habitude, mais c’est très bien expliqué en prélude du texte, rassurez-vous, lecteur novice en russophonie traduite)… On ne vous dit pas tout, amateur de polar, même si tout est sous vos yeux. Il vous faut vous-même chercher à résoudre cette énigme en même temps que les personnages principaux. Rappelez-vous seulement que quand on lui montre la forêt, l’imbécile regarde le doigt. Peut-être alors que vous ne vous laisserez pas piéger comme moi par la prestidigitation sans faille d’Alexandra Marinina et que vous saurez trouver le vrai coupable. Dans tous les cas, bluffé ou pas, vous serez immanquablement conquis par ce polar parfait qui surprend jusqu’à la dernière page.