Les Chroniques de l'Imaginaire

La triste histoire des frères Grossbart - Bullington, Jesse

Les frères Grossbart exercent une profession bien particulière. Ils sont pilleurs de tombes. Ils ont repris l'activité de leur père, de leur oncle et de leur grand-père. Ce dernier est, d'ailleurs, le héros de la famille. Un roi parmi les riches qui a fondé sa fortune en allant piller l'immensité ensablée du cimetière la Gypte, loin dans le sud.

Avides, les frères jumeaux, Hegel et Manfried, se lancent sur ces traces et entreprennent le long voyage vers le sud. Mais, afin de quitter le pays le coeur léger, ils doivent régler certains comptes...

La triste histoire des frères Grossbart est un roman particulier qui traîne une réputation sulfureuse. On y suit des frères jumeaux dans un road-trip gore qui commence dans le Saint Empire, avant de prendre la direction des Alpes et de Venise pour trouver un navire qui les conduira en Egypte pour qu'ils puissent s'adonner à leur loisir favori : le pillage de tombes.
Cette épopée ne sera pas de tout repos pour les Grossbart mais, surtout, pour les gens qu'ils vont rencontrer et ceux qui les poursuivront. Car quand un Grossbart passe dans un village, avec Marie et d'autres enculeries, il vaut mieux être parti bien loin en croisade ! Les jumeaux sont violents, répugnants, avides, cruels mais pas trop cons. Se pose, ainsi, le premier souci que j'ai eu en lisant ce livre. On passe, en gros, quatre cent cinquante pages à suivre les aventures de deux connards finis, auxquels se rajoutent, rapidement, un prêtre tout aussi dérangé qui rencontrent un tas de gens aux réactions stupides. Si vous appréciez ce type de personnages, aucun problème, dans le cas contraire, c'est plutôt long, d'autant que les Grossbart sont du genre increvable.

Bullington, cependant, les présente avec brio et les rend vite vivants, dans un style sanglant et teinté d'humour noir. Malgré tout, je l'ai trouvé lourd, ce qui ralentit le déroulement des nombreuses scènes d'action, par ailleurs souvent confuses, répétitif et fade.

A côté de ce défaut, les dialogues sont remarquables car ils retranscrivent un parler tout à fait grossbartien à la sauce Moyen-Âge. C'est original, fleuri et marrant à lire. Chaque ligne de dialogue et expression employées correspondent à merveille à l'idée que l'on peut se faire des différents personnages. Sous cet aspect, le roman est une réussite. Je félicite le traducteur, Philibert-Caillat, pour son boulot.

Mais il y a un deuxième problème majeur. La triste histoire des frères Grossbart n'a pas d'intrigue. On démarre d'un point A et on va vers un point B. En chemin, on massacre, on égorge, on prie la Vierge, on brûle, on pourfend du démon et on ripaille. Le récit est linéaire et, passé le premier kilomètre de tripes à l'air assorti de ses jurons bien choisis, sans aucune surprise. Quelques sauts temporels et courts chapitres sur l'homme qui traque les frères chamboulent, toutefois, l'ensemble, ce qui en rajoute à la confusion générale. Il s'agit de mon opinion et je sais que certains y voient plutôt un hommage aux histoires picaresques et aux contes médiévaux.

Ensuite, le Moyen-Âge de Bullington est bien maigre. Dans l'ensemble, ce sont les clichés remis au goût du jour avec la peste, des démons, des hérétiques, des sorcières et des gens méchants pas propres. Pourtant, il y a une longue bibliographie pour faire sérieux à la fin de l'ouvrage...

Enfin, il est difficile de ne pas évoquer l'emballage de l'histoire. La couverture de Istvan Orosz est splendide et attire à coup sûr les regards dans une librairie. Ajoutez à cela le papier épais et les jolies lettrines ornementées et vous obtenez un objet-livre magnifique que seules quelques lignes accrocheuses de personnes n'ayant vraisemblablement pas lu ce livre viennent gâcher.

J'attendais avec impatience la lecture ce roman qui trônait au sommet de ma pile de livres à lire depuis pas mal de mois. J'ai été déçu, seuls les dialogues sortent du lot mais ils ne font pas tout. C'est gore, c'est horrible mais c'est morne et ça n'a aucune finesse. En conclusion, La triste histoire des frères Grossbart m'a ennuyé, tout simplement.