Les Chroniques de l'Imaginaire

Tokyo (Tokyo - 1) - Sfar, Joann

Nous sommes sur un atoll isolé et irradié. Une tatoueuse refait le corps d'un homme déjà bien marqué par les dessins. Mais voilà qu'un bouledogue débarque et lui ordonne de tout laisser tomber pour venir faire de la bande dessinée pour lui. Elle refuse et l'envoyer bouler, lui qui se prend pour Dieu. Pendant ce temps, un homme descend de l'avion et se fait conduire par un taxi chez sa grand-mère. Dans un bar, El Rey le lion chante son morceau sur scène, armé de sa guitare électrique. Après lui passe Tiger le tigre, qui n'est pas aussi sûr de lui, avec son ukulélé. Et puis, il n'aime pas bien laisser Tokyo, la belle rousse avec laquelle il est, dans les mains de El Rey. Ce dernier fait d'ailleurs des propositions on ne peut plus explicites à Tokyo et ils vont finir par s'embrasser sur le parking. Qui sait où cela aurait pu mener si Tiger n'était pas intervenu ? Mais Tokyo veut pouvoir embrasser qui elle souhaite. Elle chérit sa liberté et n'a aucune envie que qui que ce soit lui dise quoi faire. Du coup, ni Tiger ni El Rey ne l'aura dans son lit ce soir. Au même moment, une dessinatrice de BD du nom de Joanna dessine les aventures de la Banane Génétiquement Modifiée qui a pour comparse une femme qui ressemble trait pour trait à Tokyo.

Si avec ce résumé vous n'avez pas encore compris que la nouvelle histoire de Joann Sfar part dans tous les sens, je ne sais pas ce qu'il vous faut. Effectivement, cela part dans tous les sens et on a un peu de mal à savoir où l'auteur veut nous emmener. Mais, au fil de la lecture, on arrête de se prendre la tête et on se laisse bercer par ses planches. Surtout que dans Tokyo, il décide de mêler dessin et photos. C'est surtout vrai sur la fin de l'album où nous verrons de belles femmes se mêler aux dessins toujours si caractéristique de Sfar.

C'est un album violent et cru que ce premier tome de Tokyo. Le sexe est très explicitement mis au cœur des dialogues. Il n'est donc pas à mettre entre toutes les mains. Mais au-delà de ça, c'est surtout une vision désabusée qui transparait. Avec, aussi, beaucoup de regrets, surtout au début quand Sfar nous parle de la mort de Moebius ou encore des évènements survenus au Japon suite au tsunami qui a ravagé ses côtes et déclenché la catastrophe de Fukushima. Les personnages se croisent, mais on ne sait pas encore forcément ce qu'ils ont en commun. Il faudra attendre la suite pour le savoir. Comme je le disais, tout le talent de Sfar fait qu'à un moment on se retrouve dans la lecture et on arrête de se prendre la tête pour comprendre. On savoure, on se laisse bercer, même si ce n'est pas par une comptine pour enfant mais par la violence malsaine et le ton décousu.

Une nouvelle fois, en tous cas, Joann Sfar interpelle avec un titre hors norme, décalé, qui surprendra certains lecteurs, sans doute, mais saura aussi contenter les amateurs d'une bande dessinée autre, moins formatée et plus irrévérencieuse.