Les Chroniques de l'Imaginaire

Les proies - Sarn, Amélie

Margot est une lycéenne plutôt heureuse. Même si sa meilleure amie, Pauline, n'est plus dans le même établissement qu'elle, à cause de son option théâtre, elles sont toujours comme deux sœurs. Et puis, elle a son petit ami, Lucas, qu'elle aime et qui l'aime. Bien sûr, il y a Thierry, son père, qui n'est pas sorti de chez eux depuis plus de trois ans. La mère de Margot est morte dans un accident de voiture et son père ne s'en est jamais remis. Il est sujet à de nombreux TOC et phobies, ce qui l'empêche de vivre normalement. Mais, même ça, Margot arrive à le gérer. Ces derniers temps, elle ne voit plus trop Pauline, très prise par ses cours, et Lucas a été puni. Elle se trouve un peu seule. Et puis, elle est troublée par une rumeur lancée par Ava, la peste prétentieuse et merveilleusement belle de sa classe, et sa clique : elles auraient vu Lucas au centre commercial avec une autre fille. Mais ce n'est pas possible. Hein ?

Au lycée, sa professeur d'espagnol, pendant le cours, va se mettre à vomir du sang puis va s'effondrer, morte. Et il semble que de telles morts étranges se produisent de plus en plus dans les rues de Bordeaux. Que se passe-t-il ? On parle tout de suite d'un virus et les gens sont invités à rester chez eux. Seulement, les choses vont se compliquer quand les morts vont se relever avec un appétit insatiable pour les vivants. Rapidement, une très grande partie de la population, de Bordeaux mais aussi d'un peu partout en France puis dans le monde, va se trouver contaminée et perdue. Margot va devoir rapidement se rendre à l'évidence : il faut survivre par tous les moyens. Mais où donc peut bien être Lucas ? Elle va alors partir à sa recherche.

Les proies est une version française du mythe du zombie, si à la mode actuellement. Nous sommes dans un roman à destination des adolescents, donc on oublie la partie vraiment gore qui accompagne généralement ce genre de récit. Par contre, on se concentre beaucoup sur les relations entre les protagonistes, notamment les relations amoureuses entre Lucas, Margot et Pauline. Comment gérer une tromperie de la part de son petit ami et de sa meilleure amie quand le monde s'écroule autour de nous ? Une bonne partie du roman cherche à répondre à cette interrogation. Margot est une jeune fille forte ; elle a dû tout gérer depuis la mort de sa mère et la défection involontaire de son père. Du coup, elle arrive à garder son sang-froid dans cette situation ahurissante. Et la survie de tous repose en partie sur elle. Mais pas seulement. Dans leur périple pour survivre, ils vont rencontrer un personnage discret mais essentiel : Roger. C'est un armurier qui rêvait de devenir pâtissier. Cela donne des situations décalées mais très bien intégrées dans le récit. Même si on aurait bien aimé qu'il occupe une place un peu plus importante dans l'histoire, ce statut d'homme de l'ombre indispensable fait qu'on ne peut que se satisfaire de la manière dont le récit le concernant est traité.

Bien sûr, il y a des côtés un peu agaçants dans les personnages. Lucas est un peu trop volage à mon goût ; il suffit qu'une nouvelle belle fille apparaisse pour qu'il oublie celles à qui il tient. C'est un peu facile. Et puis son éternel besoin de reconnaissance est trop poussé, le faisant faire des énormités. Ava, la peste insupportable l'est parfaitement. Mais là encore, le trait est trop forcé. Surtout qu'on se demande bien comment une fille comme elle pourrait se retrouver dans un lycée publique au milieu des autres. Ça n'a pas de sens. Enfin, on se demande comment Pauline et Margot ont pu vraiment être amies. Quand l'animosité apparait, tous les mauvais traits de l'autre sont mis à jour. C'est naturel... oui, quand c'est exposé d'un point de vue subjectif. Or là, c'est la narration objective qui les énumère, ce qui fait qu'on se demande ce qu'elles pouvaient bien faire ensemble.

Malgré ces quelques remarques, et le fait que le roman vise clairement un public adolescent, Les proies se lit sans se faire prier. Il ne révolutionne pas le genre, on aurait peut-être aimé que certaines choses soient plus décrites, la fin est trop ouverte selon moi, mais il se lit vite et bien. Ce sont déjà de bonnes choses pour ces zombies à la française.