Georges Malaga, à la recherche d'un nouveau logement, visite une maison dont on lui a confié les clés. La demeure est toute biscornue, et son extérieur défraichi rend encore plus étonnant son intérieur immaculé. D'emblée, Georges ne s'y sent pas à l'aise, mais il poursuit sa visite. A l'étage, il trouve close la porte de l'une des chambres. Après s'être acharné quelques minutes sur la serrure et le battant, il se décourage et redescend les escaliers. C'est là qu'un déclic se fait entendre : la porte s'est ouverte toute seule.
Georges pénètre donc dans la chambre. Il y fait une rencontre qui va changer le cours de son existence.
Dans ce brillant roman fantastique, le danger vient... des livres. Non d'un livre en particulier, qui recèlerait quelques pouvoirs malfaisants, à l'image de la cassette vidéo du film The ring, mais de tous les livres. Classiques, modernes, encyclopédies, romans de genre, romans de gare, livres de cuisine ou livres pour enfants... Tous se liguent contre les humains pour les assujettir à leur pouvoir.
"Ils sont si paisibles. Rien qu'à Les voir, on imagine un lit, un fauteuil, une ombre d'arbre ; de quoi, en tout cas, rester tranquille, à l'abri, en sécurité.
Tout le monde, à part les dictateurs, En dit du bien. Même ceux qui ne Les fréquentent pas, les réfractaires, se sentent obliger de Leur tresser des louanges."
Ainsi parle le narrateur de La maison-livre, un bien curieux personnage qui va raconter à Georges pourquoi il déteste les livres, lui qui les a révérés jadis. Son histoire hors-norme trouve un bien curieux écho chez le lecteur, qui n'aura aucun mal à se retrouver dans cette description de lecteur passionné, qui peut lire en mangeant, négliger à l'occasion sa vie sociale pour finir un ouvrage particulièrement captivant, passer des heures dans une librairie... Sauf qu'ici, ce comportement légèrement obsessionnel va virer au cauchemar.
Cette histoire dérangeante détourne habilement l'imagerie positive qu'on attribue à la lecture : lire calfeutrer chez soi lorsque la pluie tombe, un chat lové sur les genoux... Dans La maison-livre, ces instants de plaisir sont tous sauf innocents : ils ne sont qu'une manuvre des livres pour réduire les humains à des marionnettes ne désirant plus rien qu'acheter toujours plus de livres et engranger toujours plus de mots, jusqu'à les vomir en dormant.
La maison-livre célèbre le pouvoir de la littérature en lui offrant une histoire d'horreur digne de celles d'Edgar Poe. Comme toujours chez Gérald Duchemin, l'intrigue est soigné, le style irréprochable, le ton irrévérencieux. Inattendu, original, dérangeant, son nouveau roman offre encore une fois un plaisir de lecture paradoxal mais incontesté.