Le Maître avait gagné. Il avait instauré la nuit quasi éternelle sur toute la surface du globe, pouvant ainsi faire régner son ère de terreur. Les vampires avaient pu sortir au grand jour pendant presque toute la journée, infestant ainsi une partie de la population - pas trop non plus pour ne pas diminuer de trop le stock de nourriture. Il restait bien un créneau de deux heures pendant lesquelles le soleil était encore un peu trop fort pour eux et où ils devaient se terrer, mais sinon, la peur était partout. Les penseurs, les dirigeants, les influents furent rapidement éliminés. Les autres furent exploités au maximum, soit pour faire tourner les infrastructures nécessaires, soit pour produire le sang obligatoire à la survie de cette nouvelle espèce infestée.
Après deux ans de survie et de lutte, Ephraïm Goodweather n'était plus que l'ombre de lui-même. Il était trop marqué par l'enlèvement de son fils, Zack, par celle qui fut un jour sa femme, Kelly, mais qui fut transformée en strigoï et qui n'avait qu'un but : retrouver ses Êtres chers, en plus de plaire au Maître. Du coup, ses acolytes, Nora et Fet, ne pouvaient plus compter sur lui comme c'était le cas quand Setrakian était encore en vie. Ephraïm passait trop de temps à ressasser ses souvenirs et à se shooter pour être encore fiable. D'ailleurs, il avait manqué son nouveau rendez-vous avec Nora. Quand il arriva sur les lieux, il vit tout de suite qu'il y avait eu un problème : le fauteuil roulant de la mère de Nora était renversé. Elles avaient dû fuir précipitamment, sans doute. Ephraïm trouva quand même des échanges électroniques entre Nora et Fet qui ne laissaient aucun doute sur leur relation naissante. Ce qui voulait dire que sa relation avec Nora était fini. Même s'il éprouvait de la rancune, comment pouvait-il la blâmer ? Il n'était pas là.
Mais cela voulait-il dire qu'il n'allait pas pouvoir revenir pour continuer la lutte ? Surtout que Fet, revenu d'Europe, rapportait dans ses bagages un élément qui allait pouvoir faire pencher la balance du côté de la résistance.
La nuit éternelle est le dernier tome de cette trilogie fantastique où Guillermo Del Toro, que l'on connait plus pour ses films, comme Le labyrinthe de Pan, associé à Chuck Hogan, revisite le vampire, bien loin de la mode actuelle du vampire amoureux et romantique. Ici, ce sont des tueurs, poussés par le virus qui les atteint. Pas de romantisme. C'est froid, terne, sans aucun sentiment. Mais c'est aussi cette nouvelle manière d'appréhender le vampire qui était très intéressante dans cette histoire. Dans ce dernier tome, nous allons en apprendre plus sur l'origine des vampires, grâce au Lumen qui sera déchiffré. Nous découvrirons aussi les origines du vampire Quinlan et pourquoi il est un être à part dans ce monde.
Les personnages sont tout aussi malmenés que l'histoire. Ephraïm Goodweather a eu son lot de problèmes ces dernières années et il n'arrive pas à s'en remettre. Tout ce qu'il avait construit est partie en fumée et il ne sait comment reprendre pied. Pourtant, il est toujours là, espérant pouvoir retrouver son fils et l'arracher aux griffes de Kelly. S'il n'avait pas ce maigre espoir, cela ferait bien longtemps qu'il ne serait plus de ce monde. Les auteurs vont beaucoup jouer sur cette envie de récupérer son enfant à tout prix, et ils le font intelligemment. Avec la disparition de Setrakian, certains personnages prennent un peu de galon et d'importance dans l'histoire, comme Gus. Chaque personnage a vraiment son rôle à jouer, rien n'est laissé au hasard.
Ce tome clôture donc admirablement une trilogie passionnante.