Martial Bonneteau est un clone comme les autres. Rangé, marié, employé
Employé dans une entreprise sans intérêt dans laquelle il nest quun pion comptable maltraité et exploité. Marié à une femme quil na jamais aimé et qui ne lui permet plus aucune relation sexuelle depuis leurs trois enfants. Rangé dans un appartement fade dun quartier bien pensant en périphérie. Et tous les jours, il subit les règles de vie imposées par Madame, par son chef, par la vie quil sest choisie. Ou plutôt dans laquelle il sest laissé glisser sans résister.
Un matin, il décide dêtre le premier à user de la salle-de-bain
Une vie gâchée suite à des choix qui nen sont pas, un engoncement dans des pyjamas rayés et dans des costumes de prisonnier, avatars blessants dune triste réalité, et la cinquantaine qui pointe son nez Voilà lexposé que Pierre Bordage veut faire de notre vie moderne. Martial Bonneteau est un clone, une pâle copie, une machine. Une machine avec des états dâme, des rêves, des projets, mais qui na pas la force de les réaliser. Quelque part il ne sait où, il a fait une erreur; et cette erreur il devra la payer toute sa vie.
A coups de doutes salutaires rapprochant la narration d'un monologue intérieur, Bordage dresse de notre société un portrait dérangeant de vérité. Mais Mort dun clone, cest aussi la voie de lespoir. On peut changer, on peut être subversif. Et cet anticonformisme peut passer tout simplement par des blagues que lon se fait dans sa tête, par des images fantasques ou des définitions loufoques. Cette vie mentale pleine de fraîcheur, de piment et de justesse illustre le gouffre de nos vies (quand on a le courage de se retourner les questionnements parfois cruels suggérés) sans jamais tomber dans le lourd ou le mélo. Une fresque réaliste qui met le doigt sur les aspects dérangeants de nos existences de clones employés, mariés, rangés.
Un ouvrage magnifique, hors des sentiers scientifico-fantastico-fantasystes battus par lauteur, qui aurait pu ne jamais rencontrer de lecteurs. En effet, Mort dun clone a été offert en 2009 aux étudiants en information et communication de lIUT de la Roche-sur-Yon. Sous l'impulsion de Marijo Pateau, ces étudiants qui ne devaient à lorigine que tapuscrire luvre, la corriger et proposer une mouture de mise en page ont tellement mis de cur à louvrage que les éditions Au Diable Vauvert en ont entendu parler et ont finalement publié ce roman. Une aventure généreuse qui, à mon sens, rend encore plus vivant ce texte atypique et drôle, miroir de nos propres petites mesquineries.