Jamère a survécu à la peste ocellionne, tout en sauvant bon nombre de ses victimes. Seuls ceux qui étaient présents le savent puisque cela s'est passé dans le domaine du rêve, mais chacun sait qu'il a une dette envers lui. Même si elles ont survécus, les victimes ne s'en sont pas sorties indemnes. En effet, beaucoup ont récolté une santé fragile. Une partie des élèves soldat ne peut ainsi plus prétendre à l'avenir qui lui était promis, émaciée qu'elle est. Seul Jamère n'a rien perdu en constitution. On dirait même qu'il en gagne. Au début, tous semblaient étonné, mais les conséquences de la peste ocellionne ne sont pas forcément bien connues par les gerniens. Aujourd'hui, le docteur Amicas a quelques inquiétudes. Jamère ne cesse de grossir alors qu'il continue à faire du sport comme les autres élèves et qu'il ne mange guère plus que la portion réglementaire. Le docteur a déjà eu vent de cas de survivants qui avaient grossi, mais les cas étaient rares. Aussi, il le surveille toutes les semaines pour tenter de comprendre son état et aussi pour augmenter ses connaissances sur cette peste dont il veut faire son cheval de bataille. Mais bientôt Jamère va devoir s'en aller ; il doit rejoindre sa famille sur leur domaine pour célébrer le mariage de Posse, son frère.
Sur la trajet du retour, Jamère va découvrir un étrange site, celui du Fuseau-Qui-Danse. C'est un site nomade avec une pierre gigantesque qui, grâce à des illusions d'optique, semble tourner sur elle-même. Seulement, de par son lien puissant avec la magie, même s'il tente de le nier, Jamère comprend tout de suite que le fuseau ne fait pas que donner l'impression de bouger : il bouge réellement. Par un coup du hasard, ou bien est-ce le destin auquel la magie a donné un coup de pouce, Jamère va arrêter le fuseau. Et c'est toute la magie nomade qui va disparaitre peu à peu. Tous les cavaliers vont s'en rendre compte : le signe d'attachement qu'ils font tous sur les boucles de leur selle, avec plus ou moins de superstition, va leur faire défaut et des boucles qui n'avaient plus bouger depuis des années vont subitement se défaire.
Mais le plus dur va être quand Jamère va arriver chez lui. En effet, pendant le trajet, son embonpoint n'a fait que croitre alors qu'il était dans une situation qui ne lui permettait pas de bâfrer. Mais personne ne veut l'écouter et chacun croit qu'il est un goinfre qui s'est complètement laissé aller. Son père ne veut entendre aucune excuse et le soumet à un traitement quasi inhumain. Son frère suit les directives de son père et ne lui adresse pas la parole. Sa sur Yaril lui en veut grandement, notamment parce qu'il va faire honte à la famille et à sa future fiancée, Carsina. Voudra-t-elle seulement encore de lui ?
Jamère semble pris dans une situation sur laquelle il n'a aucun pouvoir. Trouvera-t-il quelqu'un qui acceptera de l'écouter et de croire qu'il n'est pour rien dans son état ?
Ce deuxième tome de l'intégrale de Le soldat chamane, qui intègre les tomes Le fils rejeté, La magie de la peur et Le choix du soldat, correspond en fait au véritable deuxième tome original. Jamère va quitter l'école. Moi qui avait vraiment adoré l'ambiance qui s'en dégageait dans le premier tome, j'avoue que j'ai été un peu inquiet. J'avais eu un peu de mal avec les passages oniriques avec la femme-arbre et j'ai craint qu'on n'en découvre beaucoup plus dans ce tome. Finalement, cela n'a pas été le cas et l'équilibre a été parfaitement respecté.
Robin Hobb, avec le talent qu'on lui connait et son rythme de narration propre, c'est-à-dire lent et posé, arrive quand même à nous passionner avec des évènements du quotidien. Bien sûr, une certaine magie entoure Jamère, mais jamais de manière visible, abrupte. C'est subtil, fin, presque invisible, et on se plait au final à lire l'histoire d'un jeune homme marqué et désavoué qui va devoir faire preuve de courage pour s'en sortir. Comme elle excelle à décrire des personnages plus réels que nature, on a souvent envie de lui coller des baffes pour le faire réagir ou sortir de ses principes rigides, mais c'est aussi ce qui fait qu'on s'attache aux personnages et à cette lecture. Parce que les plus de neuf cents pages, même si elles sont passionnantes, ne passent pas sans un minimum d'investissement.
J'aime beaucoup cette série parce qu'elle change complètement de l'ambiance que l'on peut connaitre dans L'assassin royal ou dans Les aventuriers de la mer et Les cités des anciens. Nous sommes dans un monde où la magie tient un rôle important sans être véritablement visible, mais l'ambiance générale, les coutumes, ne sont pas celles que l'on connait dans les autres récit de Robin Hobb. Et je me suis attaché à Jamère qui va devoir lutter contre les préjugés que l'on réserve aux personnes de forte corpulence. On pense toujours que ce sont des goinfres, sans jamais se poser la question s'il n'y a pas autre chose derrière. Lui-même, avant, aurait réagi sûrement de la même manière que les autres. Mais quand c'est de nous qu'on se moque et que la vie devient tout de suite compliqué, notre regard change. Finalement, Robin Hobb met une nouvelle fois le choix que l'on a sur les décisions de sa vie ainsi que la tolérance au cur de son récit.
Malgré son volume une nouvelle fois imposant, j'ai quand même hâte de lire le troisième et dernier volume de cette intégrale pour découvrir ce que le destin réserve au pauvre Jamère.