Les Chroniques de l'Imaginaire

Candy Mountains (Candy Mountains - 1) - Nikko & Bernard, Benoît

Sur un vieux tourne-disque, un trente-trois tours tourne. Sur une table qui pourrait être une table d'autopsie, une jeune femme est allongée, ligotée, bâillonnée. Un homme arrive dans la pièce poussant un chariot métallique sur lequel se trouvent des instruments et des bocaux. Il est massif, chauve et porte une salopette en laissant son torse nu. Sans dire un mot, il saisit une perceuse et s'en va travailler le joli visage de la femme. Ses yeux se révulsent sous l'horreur de la situation, son corps tressaute face à la douleur insupportable, mais rien ne semble perturber l'homme. Le sang coule et se déverse dans le siphon du sol. Dans un placard de la pièce, une autre jeune fille est témoin de la scène. Elle ne bouge pas, ne pourrait rien faire. Quand l'homme est parti, elle sort de sa cachette pour aller voir celle qui s'appelle Julie. Mais la musique recommence alors et l'homme est dans son dos.

À l'hôpital, Alice est médecin. Elle tente tout ce qu'elle peut pour sauver Julie, mais rien n'y fait. Elle décède en milieu d'après-midi. Dans le lit d'à côté, Anthony est dans le coma, tout comme l'était Julie. Son père est aussi présent ; il vient régulièrement lui tenir compagnie. Et il s'inquiète, vu ce qu'il vient de se passer. Mais Alice le rassure : le cas de Julie était beaucoup plus grave que celui d'Anthony. En sortant de la chambre, Alice demande à l'infirmière de contacter la famille de Julie. Pas ses sœurs qui ont été prises dans le même accident de voiture et qui sont encore dans le service, mais elle pense qu'elle avait encore un frère. Puis elle rejoint Alex, son petit ami, qui l'attend devant le bureau du psychologue. Il veut lui donner un peu de courage. Parce qu'Alice doit emmener sa fille Maya voir la psy. Elle voudrait la faire parler. Maya a été frappée par son père pendant des années sans que sa mère ne s'en rende compte. Là où la psy lui aurait laissé le temps de venir à elle en temps normal, elle essaie de presser un peu Maya. Le procès de son père doit avoir bientôt lieu et il faut qu'elle arrive à dire ce qu'elle a à dire. Mais rien ne sort.

Quel est le lien entre cet hôpital, ces vies et le bourreau sadique du début ? C'est ce que je vous laisse découvrir.

Nikko et Benoît Bernard nous emmènent dans un univers sombre, glauque et violent. Le monde réel, malgré des couleurs plutôt vives, est empreint d'horreur avec Maya qui a dû subir des atrocités de la part de son propre père, avec sa mère qui perd une de ses patientes dans le service de soins intensifs dans lequel elle travaille et avec un accident de voiture brutal et qui semble définitif. Ce monde-là alterne avec un autre, sombre, dégoulinant de crasse, aux allures d'hôpital. Alice et Maya vont s'y retrouver projetées violemment et vont devoir tenter de rester en vie malgré cette brute sanguinaire qui rôde dans les couloirs. Elle vont découvrir de l'aide au fil de leur pérégrination mais une aide à double tranchant. Pour se sauver eux-mêmes les hommes sont parfois capables des pires atrocités, de sombres absurdités. C'est donc une course effrénée pour la survie qu'elle vont devoir mener.

Le rythme du récit est haletant et l'ambiance oppressante à souhait. Elle aurait pu l'être certainement encore un peu plus mais les auteurs ont préféré ne pas surcharger le tableau, déjà bien sombre. Le second monde est particulièrement bien trouvé et mis en images. Il y a d'ailleurs un fort travail sur les couleurs, les ombres et les textures. Le petit bémol dans le dessin provient du fait que certains personnages ne sont pas assez différenciés et qu'on peut les confondre par moment. En étant attentif, on arrive cependant à s'y retrouver. C'est le seul point noir que j'ai pu déceler dans cette lecture.

Mis à part cela, ce premier tome de Candy Mountains est une vraie réussite. Le scénario possède une mise en scène cinématographique maîtrisée et le dessin est de très bon niveau, sans tomber dans la surcharge. Vivement le second tome pour clôturer cette histoire car la fin du premier appelle une suite immédiate. Quelle frustration de ne pas l'avoir déjà sous la main !