Keral Asulen a consenti à devenir le magicien renégat, châtré nonobstant, le "magicien brûlé" annoncé par la prophétie énigmatique de Nemuh, celui qui doit pourtant engendrer la Somme des Rêves, l'enfant qui régénérera l'Ordre Bleu éradiqué. Hélas, son seul fils, obtenu aux dépens de la noble Nerasia Tirbald, est Réfractaire, et s'il a été désigné comme héritier par son grand-père, Cerdric Tirbald, dont il porte le nom, il est haï de sa mère et privé de son père, contraint de s'exiler pour échapper à la vindicte des Mystiques.
Ce premier tome prometteur d'une série ne pourra que ravir tous ceux qu'enchantent ces histoires traditionnelles de la Fantasy, nourries des anciens contes, où apparaissent fées, sorciers, prophéties, dieux en lutte, parents désunis et enfant malheureux ou trop doué pour son propre bien. D'autre part, il faut souligner que les personnages sont complexes et ne se réduisent heureusement pas à leur archétype, même si Nerasia frôle de près celui de la méchante Reine.
L'histoire, du dedans des palais au dehors des montagnes enneigées ou riantes, de fêtes en prisons, se déroule à un bon rythme, soutenu sans être haletant, et alterne fort agréablement scènes d'actions et scènes plus intimes. Parmi ces dernières, quelques-unes interdiraient de classer ce livre en jeunesse, si on en était tenté, mais elles sont suffisamment éparpillées pour simplement rappeler le fait qu'on est bien là dans de la fantasy adulte, pour un lectorat adulte.
Le roman est suivi d'annexes fort utiles, car elles donnent un arrière-plan consistant au monde ébauché ici. On y trouvera, en sus de deux nouvelles se déroulant dans le même univers, et déjà publiées par ailleurs séparément, l'explication du rythme annuel, et la description des fêtes rituelles mentionnées dans le roman.
En somme, cette première incursion dans la forme longue d'une nouvelliste douée se lit avec plaisir, et confirme son talent, s'il en était besoin.