Les Chroniques de l'Imaginaire

Saturne (Une enquête de la commissaire Tavianello) - Quadruppani, Serge

Trois femmes tranquillement plongées dans l'une des piscines thermales de Saturnia, ville de bains toscane bien connue, sont assassinées froidement par un tueur, cependant que d'autres curistes sont blessés. Un détective privé français installé depuis quelques années en Italie, par hasard témoin de la tuerie , est convaincu que la piste d'un acte terroriste islamiste, sur laquelle se précipitent les services secrets italiens suite à une revendication qu'il estime bidon, est fausse. Cette opinion est amplement partagée par la commissaire Simona Tavianello, qui par ailleurs aimerait bien savoir pourquoi exactement on a fait appel à elle, puisqu'il ne semble y avoir aucune implication de la mafia dans cette affaire.

On connait le talent éminent de Serge Quadruppani en tant que traducteur, puisque c'est lui qui traduit en français les romans de Camilleri. Il est grand temps de lui reconnaître un don de romancier au moins aussi grand. Cette histoire est un vrai régal, et le mot s'impose, vu les dons de cuisinier de Marco Tavianello. Son français est tel qu'on y est habitué avec bonheur, parfait, son histoire est haletante sans précipitation, tous ses personnages sont cohérents, crédibles, attachants... à commencer par le Maestro, qu'on ne peut décrire comme un personnage secondaire, même s'il l'est dans cette intrigue !

Mais surtout il y a cette ironie discrète, omniprésente (par exemple : Que le tueur vienne demander à un des rescapés de l'attentat qu'il a commis de l'aider à découvrir le commanditaire ultime de ses actes, c'était un rebondissement comme aucun auteur de polar sérieux n'aurait osé en inventer, pages 125/126). Il y a aussi ce regard affûté, lucide et tendre sur les humains, les animaux et le monde qu'ils partagent, comme sur les particularités de la justice italienne, dont on ne se lassera pas facilement.

Qu'on ne s'y trompe cependant pas : s'il ne se prend à l'évidence pas au sérieux, l'auteur n'en est pas moins sérieux pour autant, en témoigne le thème de l'intrication de plus en plus grande, discrète et non moins préoccupante pour autant, au contraire, du privé et du public dans la violence étatique mondiale, qu'il met au centre de son intrigue.

Rien d'étonnant donc à ce que cet excellent roman ait obtenu le Prix des lecteurs Quai du Polar - 20 Minutes 2011.