Les Chroniques de l'Imaginaire

La forêt des coeurs glacés - Ursu, Anne

"C'était une neige à révéler la magie du monde."

Quand Hazel met le bout du nez dehors, ce matin-là, la neige a recouvert son quartier. Il ne lui en faut pas plus pour s'émerveiller et bâtir des plans pour la journée : aller chercher son ami Jack, faire de la luge, passer à leur cabane pour se raconter des histoires... Mais la mère d'Hazel vient la chercher pour la ramener à la dure réalité : elle risque de prendre froid et de rater le bus scolaire. Commence pour Hazel une journée semblable à celles qu'elle déteste : enfermer dans la salle de classe de sa nouvelle école, celle où elle est scolarisée depuis le divorce de ses parents, celle où tous ses camarades la regardent comme une extra-terrestre.

Tous, sauf Jack. Heureusement qu'il est là, qu'il la comprend et la soutient. Les deux enfants parlent la même langue, celle des rêves et de l'imagination, celle qu'ils emploient pour s'échapper de la réalité quand elle devient trop dure.

Seulement Jack est un garçon, Hazel une fille, et leurs camarades ne voient pas leur amitié d'un bon œil. Surtout les copains de Jack. Le petit garçon ne s'en préoccupait pas, mais depuis quelque temps, les choses ont changé. Depuis qu'il a reçu un éclat de verre dans l’œil. Soudain il se met à ignorer Hazel, et un beau jour, le voilà qui disparaît...

"Quand on a un ami à secourir, on n'hésite pas. On prend une inspiration... et on s'enfonce dans les ténèbres."

Hazel tient à Jack plus qu'à n'importe qui et décide de partir à sa recherche. Elle s'enfonce dans la forêt et dans la neige, peu préparée à ce qui va lui arriver. Car Tyler, un ami de Jack, l'a vu suivre une femme entièrement vêtue de blanc et entourée de flocons. Une femme à l'air cruel et aux baisers froids comme la mort.

Anne Ursu s'empare du conte d'Andersen La reine des neiges pour le transposer dans notre époque. Elle en développe les principaux thèmes - l'amitié, le courage, l'abnégation - en se centrant sur le personnage de Hazel (Gerda dans le conte original). Malgré son jeune âge, Hazel a ici un comportement beaucoup moins enfantin, faible et effacé que dans La reine des neiges. Jack est en revanche en tout point semblable à Kay (chez Andersen) : charismatique, mais égoïste jusqu'à la cruauté. Cependant Anne Ursu donne ici une cohérence à son comportement en développant son histoire personnelle. Adoption, familles recomposées, mère dépressive, crise d'adolescence précoce... L'auteur mêle habilement et avec finesse ces éléments très actuels à la magie du conte.

En toile de fond, on trouve une forêt enchantée, ou hantée devrais-je dire, par différents personnages issus des contes.

Anne Ursu réussit une magnifique adaptation de ce conte classique, le rendant accessible et parlant pour les enfants d'aujourd'hui. La forêt contient toutes leurs peurs. Ils s'identifieront sans difficulté à l'un ou l'autre des personnages principaux. Les adultes amateurs de contes apprécieront l'habilité de l'auteur à mêler à notre réalité les principaux composants de La reine des neiges.

Bref, une belle réussite, susceptible de toucher un grand nombre de lecteurs.