Les Chroniques de l'Imaginaire

Run rabbit, run ! (Little Alice in Wonderland - 1) - Tacito, Franck

Quand on pense à l'univers d'Alice au pays des merveilles, on imagine une petite fille curieuse, une méchante Reine de Cœur horrible, une innocence enfantine même si Alice rencontre sur sa route des êtres malveillants...

Franck Tacito a choisi de prendre cet univers à contre-pied et de l'adapter à sa sauce, en créant une histoire futuriste, déjantée et rock n'roll.

La Reine de Cœur est une femme d'affaires terrible, qui règne sur Wondercity, une ville de gratte-ciels, du haut de sa tour. Très belle, vêtue des pieds à la tête de sa couleur, elle veille à ce que Wondercity grignote petit à petit Wonderland, le pays des rêves d'Alice, qu'elle tient sous sa coupe. Elle l'a enlevée afin de maîtriser Wonderland.

Le Lapin Blanc veut sauver son amie (une chanteuse rock tout sauf ingénue) et cherche pour cela l'aide de cinq super héros, à commencer par Tikky Big Bang, l'héroïne de l'espace. Mais il l'a trouvée dans une soirée, une soirée déguisée. Et c'est donc en réalité une secrétaire déguisée en Tikky Big Bang qui n'a rien demandé qui se trouve coincée dans Wonderland, lancée malgré elle à la recherche d'Alice avec le lapin.

Présenté ainsi, vous vous dites certainement que ça a l'air de partir dans tous les sens. Et c'est le cas. Pas évident au début de comprendre ce qu'est Wonderland, pourquoi la reine détient Alice, d'où sortent ces super-héros. Jusqu'au moment où on se laisse prendre par l'histoire sans trop chercher à comprendre, en prenant les faits tels quels. Et c'est de cette manière qu'on peut prendre plaisir à lire cette intrigue complètement loufoque, mais qui mène quand même quelque part, rassurez-vous.

L'histoire prend une tournure très originale, et moderne, avec le pouvoir que donne l'argent sur tout, même sur ce qui semble n'avoir aucune valeur marchande : nos rêves. Il est aussi très amusant de voir les personnages que nous connaissons sous une facette totalement différente. Alice en talons hauts, cigarette à la main et mine hargneuse pour l'affiche de son concert, voilà qui a de quoi étonner et faire sourire.

Les codes fondamentaux pour qu'on reconnaisse l'univers d'Alice au pays des merveilles sont bien là. Des cœurs sont insérés dans les phylactères associés à la Reine de Cœur, la numérotation des pages figure dans des couleurs, Alice est toujours habillée de blanc et de bleu...

L'humour est parfois lourd, je serais même tentée de dire souvent. Je ne suis pas bonne cliente mais cela colle à l'esprit de cette BD, et finalement cela passe plutôt bien. Les couleurs d'Antoine Lecocq sont très prononcées et vives, parfois trop, l’œil est attiré partout et s'éparpille. C'est acidulé, comme un paquet de bonbons, et peut gêner la lecture. Mais encore une fois cela colle à l'esprit de la BD. Les dessins de Tacito sont très travaillés, truffés de détails, et on ne peut s'empêcher de prendre le temps d'observer chaque planche.

Esthétiquement c'est du très beau travail, même si à mon sens, il y a trop de couleurs et de détails. Pourtant la mayonnaise a pris, j'ai adhéré à cette version qu'a voulu nous proposer Tacito, Et je suis curieuse de connaître la suite des aventures d'Alice.