Les Chroniques de l'Imaginaire

Le chant du barde - Anderson, Poul

Comme l'indique le traducteur dans sa préface, ce recueil contient des nouvelles de science-fiction de Poul Anderson, dont plusieurs ont été primées. Parmi elles, il n'en est pas d'inédite en français, mais leur traduction a été refaite.

Sam Hall : Personne ne peut échapper aux regards sous une dictature militaire. Sauf à être aussi vif... et mythique que le Furet. Quis custodiat custodes ? Obsolète sur le plan de la technique décrite, cette nouvelle n'en est pas moins typique du style et des préoccupations de l'auteur.

Jupiter et les centaures : Bien sûr, la vie est dure sur Jupiter, mais c'est aussi beau qu'étrange, et le corps de Joe est vigoureux. Ce texte renouvelle la vieille question sur l'habit et le moine, dans une ambiance mi-mythologique, mi-planet opera.

Long cours : Rovic est un capitaine avisé, qui veut pouvoir raconter à sa reine qu'il a fait le tour du monde. Mais sur l'île Yarzik, il apprend quelque chose d'inattendu. Cette histoire re-visite non seulement le voyage de Christophe Colomb, mais aussi, bien sûr, le thème, revu sur le mode science-fictif, de la régression de civilisation suite à un naufrage. Prix Hugo.

Pas de trêve avec les rois ! : Faire cause commune avec les Espers, sous l'égide du Juge Fallon, pour refondre sous un seul drapeau ce patchwork de communautés rivales ? Jamais, pour le colonel McKenzie ! Un mélange très réussi de post-apocalyptique, de guerre de sécession, et d'invasion alien. Prix Hugo

Le partage de la chair : Après l'effondrement de l'empire terrien, certaines planètes se sont retrouvées totalement isolées, avec des conséquences socio-culturelles importantes. Un beau texte sur la confrontation des cultures, et des nécessités. Prix Hugo.

Destins en chaîne : Mais quelle vie de m**** ! Et au pluriel, en plus ! Un tour de force fort bien construit.

La reine de l'Air et des Ténèbres : Barbro ne peut supporter la disparition de son petit Jimmy de quatre ans, qu'elle dit enlevé par le Vieux Peuple. Personne ne la croit. Aussi va-t-elle supplier de l'aider Eric Sherrinford, qui n'a pas oublié que "Quand on a éliminé l'impossible..." Cette nouvelle est certes extrêmement connue, mais ce recueil n'aurait pu prétendre contenir les meilleures nouvelles de l'auteur si elle en avait été écartée. Le fait est qu'y éclatent à l'évidence le talent et la solide culture de Poul Anderson. Prix Hugo et Nebula.

Le chant du barde : Il ne peut supporter que sa bien-aimée soit morte, aussi exige-t-il son retour de SUM, le super-ordinateur qui gère toutes les âmes de la planète. Une réécriture science-fictive très réussie du mythe d'Orphée, avec un détour par le film de Jean Cocteau. Le nom du super-ordinateur est particulièrement réussi, puisqu'il marque à la fois la totalité quantitative (la somme, le total) et qualitative (en latin : je suis), avec l'immanquable référence christique. Prix Hugo et Nebula.

Le jeu de Saturne : Pour qui doit passer huit ans dans un astronef, le jeu de rôle, dans un décor évoquant celui de l'arrivée, semble une bonne solution pour lutter contre l'ennui et la torpeur qu'il engendre. Malheureusement, ses dangers intrinsèques ont été gravement sous-estimés. Outre la beauté formelle de la nouvelle, la façon dont elle alerte sur les risques liés aux jeux de rôle est particulièrement marquante. Prix Hugo et Nebula.

Ces textes constituent une bonne introduction à l'oeuvre de Poul Anderson, caractérisée par son refus des barrières strictes de genre (nombre d'entre eux contiennent des éléments dont certains pourraient croire, à tort, qu'ils appartiennent exclusivement à la fantasy) et par sa culture englobant aussi bien les mythologies que la littérature (et autant Conan Doyle que Shakespeare) et l'histoire, notamment celle des USA. Bien sûr, on y retrouve aussi ces personnages attachants dont les romans de l'auteur nous ont donné l'habitude, souvent tiraillés entre les exigences du devoir et celles de l'amour (Pas de trêve avec les rois ! en contient sans doute l'exemple le plus flagrant), mais surtout décidés à ne laisser personne décider à leur place.

En somme, un recueil passionnant, qui enchantera les fans de l'auteur et qui ne peut que lui en gagner d'autres.