Les Chroniques de l'Imaginaire

Une vie pleine - Kimball, Kristin

Kristin Kimball, journaliste new-yorkaise, s'apprête à rédiger un article sur l'agriculture biologique. Pour ce faire, elle part rencontrer Mark, un jeune agriculteur qui vit dans une caravane au milieu de ses cultures. Une première rencontre étonnante où la jeune femme, en vêtements de ville et chaussures à talons, se voit mettre la main à la pâte pour désherber les champs et tuer un cochon.

Contre toute attente, ces deux-là vont pourtant se plaire. Plus surprenant encore, Kristin Kimball, citadine dans l'âme, ne se contente pas de tomber amoureuse de Mark ; elle va également se prendre de passion pour le travail de la terre et monter le projet de créer une ferme fonctionnant sur le même principe qu'une AMAP (Association pour le Maintien de l'Agriculture Paysanne), mais proposant à ses adhérents une alimentation complète, des légumes à la viande en passant par les céréales, le fromage et le sirop d'érable.

Exit donc pour Kristin les sorties dans les bars, les tenues de soirée et les expos branchées ; bonjour le lever à trois heures du matin, la traite des vaches et les mains dans la terre.

Je n'ai que peu apprécié la lecture d'Une vie pleine, et je dois bien avouer que je ne peux m'en prendre qu'à moi-même. Je me faisais de ce livre une idée qui ne correspondait pas du tout à la réalité. J'imaginais qu'il s'agissait d'un roman, alors que c'était l'histoire personnelle de l'auteur. Je m'attendais à une lecture légère, de la chick-lit à la sauce L'amour est dans le pré - aidée en cela, je pense, par les bottes rose fushia de la couverture... - et il était en fait question d'une histoire de vie tout ce qu'il y a de plus sérieuse. Pas de romantisme, peu d'humour, mais un projet de vie étonnant et courageux : revenir à l'essentiel, ne se nourrir que de ce que l'on cultive de ses propres mains et ce sans l'aide du matériel agricole moderne.

Si j'avais lu le titre en VO, - The dirty life - je pense que mon ressenti au cours de la lecture aurait été bien différent. Car en abandonnant la ville, Kristin Kimball va se confronter de son plein gré à une vie qui, de mon point de vue, ressemble à un cauchemar : levée aux aurores, elle passe ses journées les mains dans la terre, le lait, le sang, la merde, avec une bonne humeur et un courage qui m'ont paru surhumains. Je n'ai pas compris ses motivations, elle qui était si différente avant de rencontrer Mark. J'ai eu la désagréable sensation qu'elle ne faisait que se laisser porter par les convictions de son nouvel amoureux. Si ça avait été un roman, j'aurais parlé de la platitude des personnages, de leur manque de charisme, mais je me trouve bien embêtée, parce qu'Une vie pleine est un vrai récit de vie.

Bref, la quatrième de couverture et le texte en lui-même nous présentent l'expérience de l'auteur comme une révélation... et moi je n'ai eu l'impression de lire que le récit d'une descente aux enfers vécue par un personnage influençable.

Cet avis négatif est très personnel. Beaucoup de lecteurs ont apprécié ce livre qui traite d'un sujet intéressant - la possibilité de se nourrir et de consommer autrement - et qui le fait bien. Le style de Kristin Kimball est agréable, le ton qu'elle emploie apporte une légèreté souvent bienvenue à un texte qui, dans les faits, reste très dur. Toujours est-il que je me suis sentie oppressée par cette lecture, par toutes ces histoires d'animaux malades, blessés, de terres difficiles à cultiver, de réveils dans le froid glacial...

Au fond, je pense que le sujet d'Une vie pleine peut facilement provoquer des réactions excessives à l'image de la mienne. Le choix de vie de l'auteur : revenir à un mode de vie correspondant à celui des générations passées - culture sans pesticides, avec des chevaux de traits, vie sans électricité - entraîne forcément chez le lecteur des questionnements personnels qui peuvent déranger, exaspérer ou ravir.

A vous de vous faire maintenant votre propre opinion, pour peu que le sujet vous intéresse.