Les Chroniques de l'Imaginaire

Frères Lointains - Simak, Clifford D.

Ce recueil de nouvelles, le deuxième publié par les éditions Le Bélial, est un excellent moyen de découvrir l’oeuvre de Clifford D. Simak.

Le thème principal s’attache aux rapports (et non rencontres) avec les extraterrestres. Loin d’être agressifs, ce sont surtout des êtres pacifiques et intelligents, voire plus sages que l’humanité. Forcément, en comparaison, la vision de l’être humain de Clifford D.Simak repose plutôt sur le style du cow-boy, plus prompt aux actes qu'à la réflexion.

Le Frère : Un universitaire vient interroger un vieil homme au sujet de son frère jumeau. Confronté à un dilemme, tiraillé entre son devoir et ses désirs, ce dernier a assouvi ses rêves à travers l’existence de son frère et vécu ses voyages dans l’espace par procuration. Entre les jumeaux s’était établie une forme de communication des plus uniques.

Une nouvelle sympathique au style fluide. Les accents bucoliques associés à la légère touche de mystère en font un récit très agréable.

La Planète aux reflets : Une équipe d’exploration jette les bases de la colonisation d’une planète. Ils sont binômés avec des indigènes qu'ils nomment, "les reflets". Ces derniers ne communiquent pas. Ils les imitent, touchent et démontent à peu près tout. Ils sont d’une insatiable curiosité, cependant ils semblent inoffensifs. L’équipe d'humains s’en accommode tant bien que mal, jusqu'au jour où l’un d’entre eux s’en prend au cuisinier.

Ce n’est sans doute pas la meilleure nouvelle du recueil, je l’ai toutefois beaucoup appréciée. L'auteur décrit des "reflets" tour à tour patauds et sympathiques, mystérieux en permanence. La chute de l’histoire aussi inattendue qu'ironique trouve un écho très contemporain. L’écriture de Clifford D. Simak, toujours aussi limpide (la traduction y est de qualité) amène beaucoup de fraîcheur à l’ensemble.

Monde sans fin : Une entreprise vend du sommeil avec option : avec ou sans rêve. Le protagoniste principal travaille sous les ordres d’un homme qui meurt dès le début de l’histoire. Immédiatement promu, il découvre les fins de l’entreprise : les clients ne sont que des cobayes.

Une excellente nouvelle qui mêle thriller et science-fiction avec un soupçon de Total Recall.

Tête de Pont : Le lecteur plonge de nouveau dans le mythe de la colonisation spatiale. Le chef d’une unité se targue de TOUT prévoir lors des missions d’exploration : les contraintes matérielles, les potentiels dangers, les éventuelles complications bio-chimiques, etc. Il faut dire qu'ils y mettent les moyens et prennent toutes les précautions imaginables. Leur objectif présent consiste à établir une solide tête de pont pour les équipes de la colonisation future. Lors de cette mission, un des membres de l’unité - un bleu - s’interroge sur les risques encourus. Le commandant, très confiant en ses méthodes, balaie avec condescendance cette légère remise en cause... Et ne tient pas compte de la mise en garde d’un des indigènes.

Généralement, les extraterrestres de Simak sont pacifiques, comme ici, et ridiculisent la démonstration de force de l’expédition humaine. Ils servent à merveille son intention : dénoncer les excès de l’être humain dont il brosse un tableau peu flatteur. L’ironie de la situation, la dérision de l’auteur en font une nouvelle délicieuse.

L'Ogre : A la différence de la Terre, c’est le monde végétal qui est l’espèce supérieure de la planète. Mélomane dans son ensemble, les arbres composent des mélodies très appréciées par la Terre. Malgré des mœurs pacifiques et délicates (à quelques exceptions), le monde végétal s’avère assez machiavélique...

Une excellente nouvelle encore. L’histoire est menée d’une main experte. Il est difficile de ne pas apprécier le côté bucolique de l’ambiance, l’ingéniosité de la narration et l’imagination foisonnante de l'auteur. La cohabitation entre la flore locale et l’être humain est peu probable. Encore un portrait peu flatteur!

Nouveau départ : Lors d’une randonnée, le personnage principal se blesse et rentre chez lui en rampant. A son arrivée, sa vie va changer du tout au tout grâce à l’intervention d’extraterrestres.

Sympathique.

Dernier acte : L’humanité qui a reçu le don de prescience de vingt-quatre heures. Que feriez de cette connaissance ? Que feriez-vous de vos vingt-quatre dernières heures?

Cette nouvelle m’a fait froid dans le dos. La vie paraît bien monotone, fade avec cette faculté : aucune surprise de possible, plus de jeu, plus d’attente... Une vie certes paisible, mais à quel prix! Elle a un ton différent des précédentes nouvelles, plus nostalgique, mélancolique. Pour moi, elle dénote dans le recueil, un intrus dans un ensemble autrement cohérent.

L’université galactique au coin du bois

Postface de Philippe Boulier.
Un mot : Félicitations !