Les Chroniques de l'Imaginaire

The Crow (The Crow) - O'Barr, James

Eric Draven et sa fiancée Shelly n'auraient pas dû être sur cette route ce jour-là. Le jour où T-Bird et sa bande firent demi-tour pour les chercher. Cinq loubards contre un couple. Eric a beau leur avoir demandé de les laisser tranquilles, T-Bird lui a tiré une balle dans la tête. Cela l'a tué, bien sûr, mais pas avant d'avoir pu assister au viol et au meurtre de Shelly. Impuissance, colère, haine, désir de vengeance. Tous ces sentiments, Eric les emporta avec lui dans la tombe.

Un an après, le voilà qui revient du royaume des morts pour accomplir sa vengeance. Il a le teint blafard et s'est maquillé pour se donner une apparence de clown triste et effrayant. Accompagné d'un corbeau, qui l'a fait passer depuis le monde des morts jusqu'à celui des vivants, il se fait appeler The Crow et sillonne la ville à la recherche de Tin Tin, T-Bird, Fun Boy et les autres. Il compte leur faire payer les atrocités qu'ils ont commises. Il compte bien leur rendre la monnaie de leur pièce. Surtout qu'à présent, il ne craint ni les coups, ni les lames, ni les balles.

Mais si sa vengeance est destructrice, il possède en lui encore beaucoup d'amour. L'amour de la vie, de la beauté, et le respect de tout cela. Et il va marquer les gens qui vont croiser son chemin. En bien ou en mal.

The Crow, de James O'Barr est une œuvre fondatrice. Précurseur de la vague gothique, il est surtout connu du grand public par l'adaptation cinématographique qui avait été réalisée par Alex Proyas, avec le regretté Brandon Lee, mort dans des circonstances étranges pendant le tournage du film, qui faillit du coup ne jamais sortir. Mais attachons-nous plutôt à l'œuvre originelle, le comic. James O'Barr a décidé de créer ce personnage pour exorciser sa propre rage face à la mort de sa petite amie de l'époque. Elle fut tuée par un chauffard ivre. O'Barr s'est senti responsable de cette mort, tout comme Eric se sent responsable de celle de Shelly. Mais, contrairement à Eric, il n'a jamais eu les moyens de venger sa mort. Je peux tout à fait comprendre que l'on veuille soi-même tuer une personne qui nous aurait fait perdre un être cher, et je comprends complètement la naissance de The Crow. Oui, c'est violent, oui c'est parfois malsain. Bien sûr que répondre à la violence par la violence n'a aucun sens, mais dès qu'il s'agit des sentiments, la raison n'entre plus en ligne de compte.

The Crow est une histoire de vengeance mais c'est aussi une métaphore sur la mort, l'amour, le souvenir. Une souvenir cristallisé dans la douleur et la peine. James O'Barr le dit lui-même dans la nouvelle préface qui accompagne cette version intégrale et définitive : il y a certaines scènes pour lesquelles il n'avait pas le niveau de dessin. Peut-être à une époque. Parce qu'on sent une progression dans son trait. Pour ma part, je trouve que son trait colle parfaitement à l'histoire et au sentiment qu'il a voulu retranscrire sur le papier. On sent sa souffrance dans le trait, dans le personnage torturé de The Crow. Il part parfois dans des délires psychotiques, notamment en citant des poèmes de Baudelaire, mais tout ça est pour moi une parfaite alchimie. La lecture n'est en rien lourde et coule toute seule.

Après, c'est peut-être une question de ressenti. The Crow me parle, tout comme le film me parlait à sa sortie. C'est une histoire, un sentiment que je comprends et qui me fait vibrer. Ça ne sera peut-être pas le cas de tout le monde. Je ne trouve pas que la bande dessinée, dont le premier tome a paru en 1981, ait pris trop de rides. C'est relativement hors du temps, mis à part peut-être cette coupe, mais qui a été et sera encore à la mode à un moment.

Le film a pris un coup de vieux, selon moi. J'avais peur que ce soit aussi le cas pour le comics. Heureusement, il n'en est rien et The Crow demeure un vrai moment jouissif.