Nous sommes en Nouvelle-Zélande, dans les années 30, dans la petite bourgade de Klynham. On est bien loin de la grande ville : c'est plutôt la campagne, et la dure. Klynham est vraiment ce qu'on peut appeler un village de bouseux, entre ses voleurs de poules, son croque-mort, son bar, et ses adolescents qui s'ennuient un peu, et qui rêvent d'évasion et de distraction...
Mais Klynham est en train de vivre ses heures les plus sombres. D'abord, une jeune fille vient d'être tuée et violée, et cela coïncide étrangement avec l'arrivée de Salter, un être très grand et très mince, pour le moins dégingandé, et qui pratique occasionnellement quelques tours de magie très bien amenés... Ainsi, il n'a aucun mal à gagner la confiance des quelques piliers de bar de Klynham, et à s'inviter dans nombre de familles de la petite bourgade.
Les jeunes, de leur côté, vivent leurs histoires d'adolescents, entre Neddy et Leslie, deux camarades chapardeurs mais gentils, le gang de Lynch, une bande de garçons attardés, stupides et méchants, et surtout les filles, Angela d'abord, et la très jolie Prudence, sur de Neddy de son état. Pru passe son temps à rêver de la vie des stars de magazines, sans se douter qu'elle même fait de plus en plus rêver nombre de garçons de Klynham.
Un soir, suite à une attaque du gang de Lynch, Angela disparaît, et elle est introuvable. Il est étrange que Salter soit d'ailleurs encore là à ce moment là, alors qu'il s'est franchement fâché avec le croque-mort, alors qu'une affaire était en train de se monter entre eux...
Voilà un livre qui fait franchement original, avec une ambiance particulière, aux couleurs pulp. Nous sommes dans un village où la vie est dure, et où les murs sont pour le moins douteuses, notamment lorsqu'on est sous le toit de certaines familles. C'est Jules Stromboni qui parvient ici à faire montre de ses talents, avec des dessins tantôt très noirs, tantôt beaucoup plus lumineux, instaurant au livre une ambiance très particulière, et franchement plaisante.
Certains dessins sont ainsi en pleine page, notamment lorsqu'il s'agit d'entrer dans les rêves ou les pensées de tel ou tel personnage. D'un point de vue narratif, c'est également intéressant : les dialogues sont bons, voire jouissifs par instants, et collent parfaitement au dessin de Stromboni. Un bon point pour Olivier Cotte, qui a su adapter en bande dessinée le roman de Ronal Hugh Morrieson, comme cela est l'habitude dans la très belle collection Rivages Noir de Casterman.
Même si le livre n'est tout de même pas le meilleur de la collection (et la barre est haute pour atteindre par exemple le Shutter Island adapté par Christian De Metter), nous sommes là en présence d'un livre intéressant, qui fait d'ailleurs penser au récent Piège nuptial de l'auteur précédemment cité, qui présente l'histoire de personnages tous plus tourmentés les uns que les autres. Un très bon road movie qui a le mérite de nous faire voyager !