Au fond d'un trou vivait un Hobbit. Oh pas un trou comme vous l'entendez, mais un smial creusé profondément dans la Colline, richement meublé et décoré. Et dedans s'y prélassait Bilbo Bessac, un Hobbit des plus respectables. Mais alors passa par là Gandalf. Ce dernier était un magicien, tout de gris vêtu, qui se fit inviter le lendemain pour le thé. Rendez-vous qu'oublia immédiatement le jeune Hobbit, pensant s'en être débarrassé... mais c'était sans compter sur la malice du vieux magicien qui, d'une marque gravée sur la porte, fit du smial de Bilbo la réception très inattendue de treize Nains qui se mirent à dévaliser son garde manger de façon joyeuse. Puis le soir vint avec ses conciliabules où Thorin Lécudechesne, le chef de la compagnie naine, révéla son désir de s'emparer du trésor que garde Smaug, un dragon, loin à l'est au delà des frontières de la sauvagerie. Mais ils étaient trop peu pour faire la guerre au Dragon, ainsi Gandalf a pensé à Bilbo en tant que "cambrioleur professionnel". C'est ainsi que sur un malentendu, Bilbo se retrouva mêlé à des aventures dont il se serait bien passé !
Lorsqu'en 1937 John Ronald Reuel Tolkien fit publier The Hobbit, ce n'était pour lui qu'un conte qu'il avait lu pour ses propres enfants. À peine une phrase griffonnée sur le brouillon d'une copie d'examen qu'il faisait passer à ses étudiants, puis une carte comportant un Dragon et des Runes. Et dans cette histoire, il fit s'égarer M. Baggins (en anglais) dans un monde ô combien plus grand dans sa tête (qu'il imaginait depuis plus de dix ans) sans même s'en apercevoir. Partie d'un ton badin, l'intrigue les fait entrer dans un monde de féérie où les Elfes sont encore dans le monde et où les hommes ne sont pas encore tournés vers les machines. C'est alors que s'enchaînent les événements et les embûches, Trolls, Géants, Loups enragés et sombre forêt sont autant de difficultés pour un pauvre Hobbit bien sous tout rapport.
Est-il utile de vous expliquer ce qu'est un Hobbit ? C'est tout d'abord un petit être, comme l'homme mais mesurant à peu près la moitié de sa taille. Il porte des gilets fermés de beaux boutons, aime la nature et s'amuser de choses simples comme la danse, la boisson ou plus communément la fête. Il adore aussi manger, près de six fois par jour. Et il déteste tout ce qui le sort de ses habitudes comme les aventures. Ce Hobbit précisément est Bilbo, fils de Bungo Bessac (un Hobbit des plus respectables) et de Belladonna Touc (une famille aux moeurs étranges). Il pensait vivre tranquillement de ses rentes jusqu'à sa rencontre avec Gandalf, que la famille Touc connaissait bien par ailleurs. C'est au cours de sa traversée des terres hospitalières de l'ouest (que l'on connaîtra sous le nom d'Eriador dans Le Seigneur des Anneaux) tout d'abord, mais surtout des Montagnes de Brume que Bilbo commença à appréhender son côté Touc et à s'affirmer.
Ce livre est tout d'abord un conte. Mais pas un conte classique comme ceux de Grimm ou d'Andersen, c'est un conte anglais qui puise ses racines dans le folklore nordique de l'Edda poétique, du Kalevala ou encore de Beowulf. Ainsi furent amenées les légendes scandinaves peuplées d'Elfes, de Nains, de Trolls ou encore de Dragons dans le monde contemporain, ce qu'on appelle aujourd'hui communément la Fantasy. Le manuscrit fut connu des éditions Allen & Unwin grâce à une des étudiantes de Tolkien, et les choses s'enchaînèrent. Stanley Unwin confia la lecture du manuscrit à son propre fils qui l'approuva avec une rare maturité concluant ainsi "Ce livre, avec ses cartes, n'a pas besoin d'images, il est bon et devrait plaire à tous les enfants entre 5 et 9 ans". Ce en quoi je pense qu'il exagère, car je verrais plutôt cette histoire plaire à un public légèrement plus âgé.
2012 est une année importante pour l'actualité de J.R.R. Tolkien. D'une part, ce serait l'année de ses 120 ans. L'association Tolkiendil a d'ailleurs édité un hors-série de son magazine L'Arc et le Heaume contenant un texte inédit en français de Tolkien pour célébrer cet anniversaire. D'autre part parce que les éditions Christian Bourgois ont publié une nouvelle traduction du texte, quarante ans après celle de Francis Ledoux, qui corrige nombre d'erreurs par rapport au texte original, et qui apporte aussi beaucoup de fraicheur et de légèreté dans le rythme de la lecture. C'est cette nouvelle traduction faite par Daniel Lauzon qui est lue dans cette version Audiolib, par la superbe voix de Dominique Pinon, acteur fort connu des amateurs du septième art avec notamment La cité des enfants perdus, Le fabuleux destin d'Amélie Poulain, ou plus simplement le Alien 4 réalisé par Jean-Pierre Jeunet. Dans le reste de l'actualité, il y a aussi la sortie cinématographique du premier volet de Le Hobbit par Peter Jackson, mais intéressons-nous plutôt à ce livre qui avec ses cartes n'a pas besoin d'images, comme le disait le jeune Unwin.
Déjà, l'objet audiolivre est particulièrement attrayant. Les deux CD se trouvent dans une pochette dépliable qui dévoile les deux cartes, indispensables à la lecture. Les CD portent eux-mêmes les dessins de ce qui se trouve en dessous d'eux, soit la fameuse carte de Thror. Ce dépliant se trouve dans un coffret décoré par la couverture de l'édition Harper & Collins de 2003, la même choisie par les éditions Christian Bourgois pour son Hobbit Annoté il y a quelques mois. Puis, une fois les disques insérés dans un lecteur de CD MP3, nous voilà partis pour plus de dix heures d'un voyage inattendu, bercé par la voix d'un Dominique Pinon fort inspiré, claire et précise, sans trop de fioritures. La magie du texte semble suffire à capter l'attention des "lecteurs". De fait, par cette lecture, je n'ai même plus tiqué sur les changements de traduction des noms propres comme Bessac, Lécudechesne, Fendeval ou le très controversé forêt de Grand'Peur. Grâce à cette lecture, j'ai véritablement redécouvert ce texte et mieux imaginé les paysages et autres lieux décrits. Si ma fille n'écoutait guère, en voiture, le récit de la fête inattendue (premier chapitre), celui des Trolls dans la nuit (au chapitre suivant) s'est montré bien plus persuasif.
Pour conclure, je pense que ladjonction d'un excellent texte, d'une nouvelle traduction plus vivante, et d'un acteur compétent et inspiré font de cet audiolivre un véritable petit chef-duvre. Pensez-y, c'est bientôt Noël !