Le chevalier Agilulfe est un soldat modèle de l'armée de l'empereur Charlemagne. Discipliné, rigoureux, peut-être trop tatillon au goût de ses pairs, mais en tout cas un guerrier hors pair bourré de qualités. Mais pourquoi n'enlève-t-il jamais son armure blanche immaculée ? C'est parce qu'en fait, il n'existe pas : l'armure est vide, animée seulement par la force de la volonté du Paladin.
Autour de ce chevalier, dont la présence n'est qu'absence, orbitent une galerie de personnages certes un peu moins curieux mais néanmoins hauts en couleurs : Gourdoulou, un homme tellement distrait qu'il existe sans s'en douter ; Raimbaut, jeune noble qui espère se couvrir de gloire et admire grandement Agilulfe ; Bradamante enfin, fière amazone à l'armure pervenche et aux courbes féminines fort aguichantes, qui rêve de trouver un champion raffiné qui ne soit pas aussi décevant que les autres guerriers de sa connaissance.
A la suite de ces personnages, on découvre la vie dans l'armée guerroyante de Charlemagne. "La guerre, en définitive, c'est moitié boucherie, moitié train-train". Et effectivement, on alterne des évocations d'un quotidien loufoque, où par exemple une vengeance de père compte pour l'administration deux vengeances d'oncle, avec des batailles tout aussi délirantes qui ne se déroulent certes pas comme pouvait l'imaginer le naïf Raimbaut... On pointe ainsi l'absurdité de cette guerre (et des autres), guerre qui se fait machinalement et en suivant des règles immuables.
Discrédité par des affirmations remettant en question son statut de chevalier, Agilulfe se lance en quête d'une vérité vieille de quinze ans, qui sera l'occasion d'aventures rocambolesques. Le récit parfois s'emballe et nous entraîne dans des voies invraisemblables, comme cette rencontre avec une baleine et ce qui s'ensuit. Entre les péripéties improbables et les remarques piquantes de la conteuse, l'histoire se déroule sans que jamais l'humour ne se tarisse.
Outre ce ton léger et amusant, ce roman offre également des pistes de réflexion sur l'existence, la guerre, le sens de la vie, et j'en passe. Comme les deux autres oeuvres de la trilogie de Nos ancêtres (qui sont des livres indépendants malgré ce regroupement), c'est un livre à avoir lu, tant les récits d'Italo Calvino sont particuliers. Profitez donc de cette réédition pour le lire ou le relire !