Les Chroniques de l'Imaginaire

Comme une ombre - Schneider, Michel

Toute sa vie, Michel Forger a cherché son frère Bernard. Même quand les deux garçons vivaient sous le même toit, Michel avait le sentiment de ne jamais réussir à approcher réellement son aîné si sûr de lui, si séducteur. Leur relation, troublant mélange d'amour et de haine, lui a laissé un goût amer lorsque Bernard est parti "faire l'Algérie", puis au moment de sa mort, quinze ans plus tard.

Trente ans se sont écoulés depuis la mort de Bernard, et plus Michel tente de faire son deuil, plus la paix lui échappe. Il décide d'enquêter sur le passé de son frère, notamment en discutant avec L., une femme à la beauté troublante qui a été son amante et le grand amour de Bernard.

Comme une ombre forme un roman singulier par bien des aspects.
Sa construction, tout abord : l'auteur alterne la quête de Michel, racontée à la première personne, et les souvenirs d'enfance des deux frères, narrés à la troisième personne. Le roman est également précédé d'une note annonçant la mort de son auteur, ce qui créé une mise en abîme assez troublante.
Les thèmes abordés, ensuite : la relation antagoniste unissant Michel et Bernard, mélange d'amour fou et de haine féroce ; l'inceste rampant, plus ou moins avoué, plus ou moins consommé, entre différents membres de la famille Forger ; l'importance de la musique ; le poids du passé sur les existences - plus les personnages tentent de s'en défaire, plus ils s'y ancrent...
Le tout donne une ambiance et une couleur particulières à ce texte dont on ignore la part autobiographique (l'auteur a le même prénom que le personnage principal, et a lui aussi perdu son frère qui ne s'était jamais remis de la guerre d'Algérie).

De Michel Schneider, je ne connaissais que le magnifique Marilyn, dernières séances. Dans Comme une ombre, j'ai retrouvé sa subtilité, sa clairvoyance, la frontière floue entre vérité et mensonge, et sa manière particulière de structurer ses romans : l'un comme l'autre axent le déroulement de leur intrigue sur la chronologie floue des souvenirs et des obsessions des personnages plus que sur une temporalité classique.

Comme une ombre est un roman mélancolique, peuplé de fantômes. Une belle lecture, assez énigmatique, qui me donne envie de découvrir le reste de l’œuvre de l'auteur.