Les Chroniques de l'Imaginaire

L'Homme-nuit (Isabellae - 1) - Raule & Gabor

Nous sommes au Japon, en 1192. Cela fait maintenant sept ans que la bataille de Dan-no-ura a eu lieu, laissant la place à l'ère féodale, après que beaucoup de sang ait été versé. De nombreux guerriers sont morts dans cette bataille, et pour des questions d'honneur, ceux qui ont survécu se sont donnés la mort. Sur les chemins, Isabellae est une cavalière qui est seule et qui est à la recherche depuis toutes ces années de sa soeur, Siuko.

En fait, Isabellae n'est pas tout à fait seule. Elle est accompagnée de son père, qui est mort dans la bataille de Dan-no-ura, mais qui est toujours omniprésent dans les pensées de sa fille. Par ailleurs, on ne peut pas dire qu'Isabellae soit une pauvre fille sans défense. Son aspect chétif a de quoi rendre confiantes les bandes de voyous qui souhaiteraient la détrousser, mais cela leur coûtera vite la vie. En fait, Isabellae est une guerrière redoutable qui a tout appris et hérité de son père, tandis que sa soeur, Siuko, a plutôt hérité de la magie de sa mère.

La mère en question, morte décapitée par les villageois après avoir massacré une bande d'adolescents entreprenants, était une magicienne rousse de renom. Isabellae a hérité de sa couleur de cheveux, ce qui lui vaut la méfiance de tous. Bientôt, elle est rejointe par Jinku, un jeune moine qu'elle a sauvé d'une meute de loups affamés, et d'un bandit qui en pince de plus en plus pour elle. La troupe se retrouve vite dans un village pauvre, où elle finit par rencontrer l'homme-nuit, un être ailé étrange, qui n'est pas sans rappeler les stryges d'Eric Corbeyran.

Nous tenons là une série totalement espagnole ! Le scénariste, Raule, a mis de côté les ambiances barcelonaises de Jazz Maynard pour se rendre dans un Japon féodal où le katana est bien souvent la seule réponse aux ennuis. Son héroïne est bien chétive, mais elle manie les armes blanches à la perfection, et les somptueux décors japonais de Gabor laissent bien souvent la place à des seaux d'hémoglobine et à un florilège de membres et de têtes tranchés.

En cela, le dessin et les couleurs de Gabor, l'autre espagnol qui officie sur cette série, est en tout point remarquable. Les décors sont beaux, raffinés, détaillés. Quant aux personnages, les expressions et les allures sont totalement soignées et crédibles. Mention spéciale pour ce personnage de l'homme-nuit qui fait vraiment penser aux personnages de la série Le chant des Stryges de Corbeyran, qu'on ne s'attend pas vraiment à croiser dans ce Japon du douzième siècle, et qui confère un côté fantastique loin d'être désagréable ou malvenu à la série.
Les dessins sont en tout cas d'une grande finesse, et les mouvements sont admirablement retranscrits, dans les scènes de combat, où le katana n'est quasiment pas visible, mais où les dégâts infligés le sont bien !

Les éditions Delcourt ont leur Okko, les éditions Soleil ont leur Samuraï. Désormais, il faudra compter avec Isabellae qui est une excellente alternative à ces séries chez Le Lombard !