Jeanne aime Roland. Roland aime Jeanne. Roland et Jeanne sont mariés mais pas ensemble. Il semble au fond que rien ne puisse vraiment les séparer. Ils sont juste destinés l'un à l'autre aussi naturellement que cela puisse être. Mais Roland disparaît. Après l'abattement de l'avoir cru mort, Jeanne décide de se battre, et avec l'aide de son vieux mari, elle se lance dans une incroyable quête, à la limite de l'espionnage. Jeanne va tout faire pour retrouver Roland. Elle va tout sacrifier à cet amour sans mesure. Son enquête va la mener lentement jusqu'au grand secret. Elle va le frôler, le contourner, le caresser jusqu'à ce que le président des États-Unis lui-même la propulse au cur même du secret le mieux gardé au monde... Et à juste titre...
Le grand secret est un roman surprenant. Comme bien souvent, Barjavel greffe la fiction sur des éléments appartenant à notre histoire. L'histoire se situe entre les années cinquante et soixante-dix. On retrouve dans le déroulement l'assassinat de John F. Kennedy, la visite de Nixon en Chine, des déclarations du Général de Gaulle, entre autres choses. L'île même sur laquelle se situe la centrale est censée exister au cur de l'archipel des îles aléoutiennes.
Cela a pour effet de renforcer cette sensation un peu irréelle de vérité au sein même de la fiction la plus pure. C'est en somme toute l'histoire politique de ce milieu du vingtième siècle qui se trouve réécrite, réinterprétée.
Un chassé croisé incroyable entre les différents personnages se met en place. Tous se croisent et se recroisent à plusieurs reprises. Le rythme de cette première partie de roman est soutenu. On entre immédiatement dans la réalité des personnages. L'histoire est fluide, presque naturelle, et les différents rebondissements, s'ils sont surprenants, paraissent presque inéluctables.
La deuxième partie est un peu plus traînante. Mais ce ralentissement dans le rythme est compensé par la grande révélation. Nous apprenons enfin ce qu'est le grand secret. Il nous révèle aussi la vision que Barjavel peut avoir de la nature humaine.
Sans vouloir trop en dire, la fin est à l'image de cette vision : violente et pessimiste, même si un rayon d'espoir subsiste. Mais pouvait-il réellement en être autrement ? Tout au long de l'ouvrage, et sans vergogne, les plus puissants de ce monde enlèvent, tuent, détruisent des vies au nom d'un "virus" qu'ils ne maîtrisent pas, qu'ils ne comprennent pas. C'est cette vision éminemment pessimiste de ce qui aurait pu être envisagé par d'autres comme l'une des plus grandes avancées de la science moderne qui oriente tout le roman.
Encore une magnifique histoire d'amour transcendée par quelque chose de tellement fort qu'il aurait dû en avoir raison. Et pourtant...
Une grande et belle oeuvre. A lire et à relire.