Gérard Latuile est un jeune trentenaire, plutôt beau gosse, et célibataire de son état. On ne peut pas vraiment dire que Gérard soit le roi de la relation de longue durée avec les filles. Les conquêtes se sont enchaînées, mais aucune n'est restée bien longtemps dans la vie de Gérard. Il faut dire que ce dernier n'est pas sans traîner une certaine maladresse, presque maladive. Il lui arrive ainsi d'appeler régulièrement ses ex afin de leur demander des conseils, histoire à chaque fois de s'améliorer pour la suivante.
Mais aujourd'hui est un jour un peu différent. Gérard a un rencard avec Florence, une jolie fille. Pour le moment, il ne s'agit que d'un rendez-vous professionnel, mais Gérard espère que les choses se décantent naturellement vers autre chose. Florence a beau avoir la quarantaine, elle attire irrésistiblement Gérard, et celui-ci ne peut que bafouiller dans les moments fatidiques où il pourrait conclure. Jusqu'à ce que Florence prenne enfin les choses en main...
Mais aussitôt après le petit nuage chagallien, il y a un coup de tonnerre qui intervient. Dans la voiture de Florence, Gérard Latuile, célibataire patenté et exigeant, petit garçon qui a toujours été couvé par des parents trop présents, aperçoit non pas un ou deux, mais trois enfants ! De quoi réveiller inévitablement les crises de spasmophilie de Gérard. Et de quoi le rendre malade lorsque vient le moment de parler de sa relation avec sa propre famille.
Ce premier tome de Les chroniques d'un maladroit sentimental fait un bien fou. Il s'en dégage une fraîcheur bien agréable, avec ce personnage pour le moins attachant, qui n'hésite pas à faire une pause dans ses actions pour s'adresser directement au lecteur. La narration imaginée ici par Vincent Zabus (scénariste de Agathe Saugrenu, ou encore Les petites gens en 2012, ou le très beau Le monde selon François, chez Dupuis) est audacieuse, inventive et originale.
Il est ainsi rare que l'on s'attache et que l'on s'identifie à un personnage avec une telle rapidité et une telle assurance. La suite du tome ne déçoit pas, avec cet homme qui a peur de vieillir, qui souhaite être heureux, et qui y parviendra sans doute malgré les centaines de questions qui se bousculent dans sa tête dès que le stress et la pression, le désir de bien faire, s'en mêlent.
Le dessin de Daniel Casanave est parfait pour cette histoire : c'est épuré, simple sans être simpliste, en bref, tout ce qu'il faut pour conserver une parfaite lisibilité. Les couleurs de Patrice Larcenet (le frère de Manu Larcenet, qui était déjà en charge des couleurs sur les quatre tomes de Le combat ordinaire) sont elles aussi parfaitement trouvées : c'est coloré, vif, chatoyant, tout en gardant là encore une parfaite lisibilité.
Un premier tome d'une série qui marque les esprits, donc : c'est beau, drôle, original. Une belle tranche de vie dans laquelle nombre de lecteurs (et de lectrices) se retrouveront sans nul doute : vivement la suite !