Nous sommes à Ellis Island, à quelques brasses de Manhattan, en 1918. Un jeune garçon arménien, Missak, se réveille d'un cauchemar : il faut dire que ces derniers sont fréquents chez lui, depuis les évènements du génocide arménien qu'il a eu à vivre en Turquie. Missak est le frère d'Anahide, dont il a été séparé, et il vient aux Etats-Unis pour y refaire sa vie.
Mais la sélection à l'entrée des Etats-Unis est de plus en plus dure : des contrôles sanitaires drastiques sont pratiqués sur Ellis Island, et il est hors de question pour le gouvernement américain d'accepter maintenant des gens malades ou ne parlant pas anglais sur leur sol.
Alors, Missak, qui se débrouille dans quatre langues, doit recourir à la ruse en se faisant passer pour un autre garçon, car il est jugé trop maigre et sans doute malade. L'occasion au passage de se mettre à dos un employé trop zélé, membre du Ku Klux Klan, qui fera tout désormais pour prouver à sa supérieure que ce Missak Zakarian cache quelque chose.
C'est chez ses grands-parents, qu'il ne connaît pas du tout, que Missak trouve refuge et un travail. Les grands-parents tiennent une boutique de restauration arménienne : les affaires fonctionnent suffisamment pour vivre, et une jeune employée travaille déjà dans la boutique.
Les jours passent, puis les semaines, et Missak ne donne toujours aucune nouvelle sur ce que sont devenus ses parents et sa soeur, Anahide. Une situation de plus en plus difficile à vivre pour les grands-parents, qui ne parviennent pas à faire parler Missak sur le cauchemar qu'il a vécu en Turquie.
Alors, le grand-père de Missak décide que c'en est trop : Missak arrêtera de travailler dans la boutique, pour démarrer la prochaine année scolaire. Le jeune homme doit absolument étudier pour s'en sortir, à présent. Mais les camarades d'école ne sont pas tendres avec Missak, qui a une couleur de peau différente d'eux. Missak ne supporte plus les moqueries et la méchanceté des autres, et de là à commencer à trafiquer dans la rue, il n'y a qu'un pas.
Cela fait maintenant plus de trois ans que le dernier album de la série Les Fleury-Nadal est sorti. Inutile de rappeler que la série revient sur des personnages issus de la série mère Le Décalogue. Le tome précédent était en tout cas consacré à Anahide, la soeur même du Missak qui nous intéresse ici, qu'on a déjà pu suivre lors de la poursuite et du massacre de la famille par les turcs. C'est Didier Courtois qui était au dessin de ce tome précédent, et c'est Gilles Mezzomo qui a cette responsabilité sur ce nouveau tome (l'homme a déjà travaillé sur la série Nouveau monde, et également sur le tome 6 de Destins, toujours sous la houlette de Franck Giroud au scénario).
Franck Giroud et Gilles Mezzomo n'en sont ainsi pas à leur première collaboration, avec cette participation à Destins, une série qui avait fait parler d'elle en bien l'an dernier. Ici, on retrouve ce dessin haché, épuré, qui met encore une fois en avant une grande lisibilité de ce nouvel opus. Le choix de Mezzomo est donc très bon par rapport à cela, avec un récit qui met en scène un bon nombre de personnages, et quelques flashbacks sur le cauchemar arménien principalement.
Franck Giroud est quant à lui parfaitement dans son élément avec cette série, quel qu'en soit le tome : on retrouve, à la manière de Laurent Galandon, l'histoire d'une famille ou d'un personnage, au sein de la grande Histoire, de New-York ou des Etats-Unis ici, avec les flux migratoires importants qui y étaient monnaie courant au début du siècle dernier.
Un tome parfaitement cohérent et intelligent, parfaitement réalisé, qui trouvera son dénouement sur le personnage de Missak dès le tome suivant !