José Alcano est un jeune homme séduisant qui a des occupations plutôt étranges et originales. Avec son ami Paul Lioukine, il a monté une agence matrimoniale d'un genre très particulier. Les deux hommes en question sont des scientifiques, et c'est en analysant les réactions des célibataires qu'ils peuvent définir si ces derniers sont vraiment faits pour s'entendre ou pas. L'agence en question est la seule sur le marché à garantir un mariage, pour une durée minimale de trois ans : c'est cette durée qui correspond à la libération de locytocine, l'hormone de l'amour, par le cerveau humain...
Évidemment, cette agence d'un nouveau genre fait l'objet de toutes les curiosités : des sites comme Meetic deviennent de plus en plus ringards, et les journalistes interviewent souvent José. Mais côté cur, ce n'est pas vraiment la joie pour ce dernier... Il est justement convaincu que l'amour ne peut durer que trois ans, et il lui est très difficile de s'engager. L'homme aime les voitures de collection, et collectionne les conquêtes qui ne durent que quelques semaines. Un soir, José et Paul rentrent ensemble, dans une voiture de collection qui rend l'âme en plein passage à niveau... La catastrophe ferroviaire est inévitable, et José n'est plus assuré depuis deux heures... Les dégâts sont juste matériels, heureusement, mais José a une somme folle à rembourser.
Sa compagnie d'assurance ne peut pas faire grand chose, si ce n'est que le directeur de la compagnie en question n'est autre que Antoine de Beaumont, dont la fille, Nina, est quelqu'un qui s'interdit le bonheur depuis la mort de sa mère dans une avalanche, survenue sous les yeux de Nina lorsqu'elle avait six ans... Nina est une fille séduisante aujourd'hui, et son père propose à José un arrangement : si sa fille trouve un mari, ou même un amant, quelque chose qui la sortira de cet état, l'assurance prendra en charge les dégâts matériels de l'accident ferroviaire...
Mais les choses ne sont pas simples : Nina est une fille qui souffre d'anhédonie, une forme de repli sur soi qui lui interdit le bonheur. Nina est une fille très intelligente, qui s'est toujours lancée dans les choses qu'elle n'aime pas : elle a horreur du sport et de l'eau, et fait du water-polo, elle s'interdit de manger les choses qu'elle aime... Et elle s'interdit l'amour, aussi... Du fil à retordre pour José, qui va ouvrir les yeux sur les limites de sa perception scientifique de l'amour...
Makyo et Frédéric Bihel n'en sont pas à leur coup d'essai, notamment aux éditions Futuropolis, avec leur Exauce-nous, paru en 2008. Ici, les auteurs nous donnent l'occasion de voir évoluer deux personnages principaux qui ne sont a priori pas du tout faits pour s'entendre : d'un côté, José, un beau garçon un peu volage, un peu paumé, qui se réfugie dans une réussite sociale et un centre d'intérêt testostéroné, peut-être pour échapper au désastre qu'est sa vie privée jusque là. De l'autre côté, une jeune femme malheureuse depuis ses six ans, intelligente, jolie, au caractère très fort, qui s'inflige le fait de rester comme elle est, au grand désespoir de son père et d'un ami de la famille.
Autant le dire, les deux personnages en question sont évidemment très travaillés par Makyo : en quelques planches et quelques dialogues, les auteurs parviennent à nous en donner une excellente idée, et il est idéal dans ces conditions de continuer la lecture avec plaisir, en déroulant simplement. D'autant que les autres personnages qui gravitent autour de l'improbable couple sont eux aussi parfaitement travaillés et crédibles, entre Antoine de Beaumont, Ange-Michel, ou encore Paul Lioukine ou Virginie, la dernière ex de José.
Par ailleurs, il est évident que l'aspect graphique, important, n'est pas en reste dans ce one-shot : c'est beau, détaillé, autant au niveau des expressions très réalistes que des magnifiques décors montagnards où se déroule cette histoire. En définitive, Makyo, Toldac et Bihel nous font profiter d'un très beau moment de lecture, à la sensibilité à fleur de peau : l'équivalent du très beau petit film français très bien joué, qui n'a rien à voir avec la superproduction hollywoodienne...