Les Chroniques de l'Imaginaire

Le pas de l'adieu - Arpino, Giovanni

Quel étrange rituel est celui qui tous les dimanches réunit le professeur Bertola et son ancien élève, Carlo. Chaque dimanche, immuablement, une nouvelle pensée anime le tableau noir. De discussions en parties d'échecs, ils en arrivent immanquablement à remettre en cause l'essence même de leur passion pour les mathématiques. Ils discutent et taquinent les jumelles Rubino qui ne manquent jamais d'être aux petits soins pour leur locataire. Chaque dimanche invariablement, Carlo se souvient de la difficile promesse qu'il a faite à son mentor, et chaque dimanche, il ne trouve pas le courage de la tenir.

L'équilibre fragile de ce microcosme hors norme va voler en éclat avec l'arrivée de Ginetta, une jeune femme "pas comme il faut", mal élevée, et atrocement autonome. Carlo va être ébranlé par tant de sensualité assumée, et par cette intelligence instinctive. Au milieu de ce trio improbable, la promesse faite au vieux professeur va prendre une toute autre résonance.

Une histoire d'hommes. Une histoire de retenue et de respect. C'est une histoire qui appelle tellement de choses qu'il est un peu difficile a posteriori de faire le tri.

Commençons par le refus de ne plus vivre. La frustration que peut ressentir un homme, qui plus est un grand esprit, à sentir une telle vitalité intellectuelle et une telle inertie physique. Le refus de la déchéance, qui amène invariablement à la volonté de mourir, ou en terme de débat politico politicien, l'euthanasie, ou le suicide assisté.

Voilà un thème glauque pour un roman s'il est est et qui pourrait bien vite tourner au rapport disciplinaire. Et c'est là qu'intervient la plume, l'inspiration. L'oeuvre reste donc littéraire.

Les personnages ensuite et leurs relations constituent la raison d'être de ce roman. D'où l'histoire d'homme, de retenue et de respect... mais aussi de trahison finalement. Lorsque les choses ne sont pas faites dans l'esprit de ce qu'elles devraient, n'est-ce pas aussi une trahison ? Les rapports entre les êtres sont subtils, effleurés avec beaucoup de pudeur. J'avoue un coup de coeur particulier pour les demoiselles Rubino. C'est certainement aussi la richesse de ces personnages secondaires qui fait la saveur.

L'intrigue est basique. Du grand classique. Mais c'est probablement aussi ce qui permet une telle singularité des dialogues et des personnages.

Beaucoup de finesse et un très agréable moment de lecture.