Océanique (Intégrale raisonnée des nouvelles - 3) - Egan, Greg

Océanique est le troisième volume des nouvelles complètes de Greg Egan, l'Intégrale raisonnée des nouvelles. Sont rassemblées dans ce recueil de haute tenue six nouvelles déjà parues avec six autres inédites en France.

Jusqu'à présent j’avais eu quelques réticences à lire les écrits de l’auteur australien. En effet, la réputation de hard-science et de l’abord difficile de son œuvre m’avaient convaincue d’attendre avant d’y goûter. Ce premier contact s’est avéré être une expérience enrichissante et merveilleuse. Certes, une certaine difficulté d’assimilation des concepts scientifiques les plus pointus s’est présentée sur mon chemin. Mais cet obstacle fut loin d’être rédhibitoire tant la qualité de l’écriture et la force de fiction de l’auteur ont compensé ces descriptions techniques.

Les thèmes présents sont divers : les univers parallèles via la physique quantique, l'immortalité, par le biais du clonage numérique, le clonage ou le génie génétique, l'intelligence artificielle, la religion et la politique sociale : mais surtout l’«Homme».

Gardes-frontières : Le recueil s’ouvre avec la nouvelle Gardes frontières, prix Locus 2000. C’est un pari audacieux. En effet cette nouvelle décrit un incroyable match de football quantique durant lequel les joueurs s'affrontent à coups d'harmoniques, de changement de niveau d’énergie. Cette ouverture est osée car les descriptions à la fois techniques et ingénieuses, se révèlent parfois ardues.

Le thème principal abordé porte sur l'immortalité et la difficulté de la vivre. Mémorable.

Les Entiers sombres : On (re-)trouve Alison et Yuen, les héros de la nouvelle Radieux (parue dans Radieux, tome deux de l'intégrale). Ils sont les gardiens de la frontière séparant notre monde d'un autre univers parallèle. L'expérience «innocente» d’un chercheur déclenche des représailles à grands coup de nombres et de suites arithmétiques. En effet, les deux univers possèdent leurs propres lois mathématiques et physiques.

Mortelles Ritournelles : Un agent publicitaire décide d’utiliser des tubes musicaux basés sur des recherches neurologiques pour ses campagnes de promotion. Or ces musiques le rendent complètement catatonique.

Une critique teintée d’humour noir des méthodes publicitaires contemporaines.

Le Réserviste : Quelques «privilégiés» entretiennent un cheptel de clones d’âges divers. Ils constituent une réserve d’organes pour le propriétaire. L’un, mégalomane, veut être le premier à bénéficier d’une transplantation du cerveau...

La chute est marquante. Egan évoque ici plusieurs thèmes sur la bio-éthique et l’âme elle-même.

Poussière : Cette nouvelle est une autre variation du thème de prédilection de ce recueil : l’immortalité. A défaut de cristaux ou de clones, la numérisation de l’esprit semble le vecteur idéal. C’est ce que tente de faire le protagoniste de cette nouvelle (à l’origine de la Cité des Permutants).

Egan décrit les états d'âme de cette copie du monde virtuel. Assez similaire au récit précédent, la chute est vertigineuse.

Les Tapis de Wang : Les humains partent à la conquête de la galaxie à bord de vaisseaux. Or, ils ne s’agit pas d’êtres de chair et de sang, mais de copies numériques d'hommes réels. Cette nouvelle espèce s’est finalement libérée ; elle est débarrassée des contingences et contraintes biologiques, ce sont les transhumains. Néanmoins, une certaine nostalgie de la chair persiste.

Superbe.

Océanique : La religion est le thème central de cette nouvelle, prix Locus et Hugo 1999.

Fidélité : Les couples peuvent désormais utiliser des implants neuronaux garants de leur fidélité réciproque. Une femme persuade son époux de tenter l’expérience.

La nouvelle la moins intéressante du récit tout en restant sympathique.

LAMA : Un détective mène un enquête à la demande de la fille d’une poétesse a priori assassinée. La jeune femme est persuadée que l’implant neuronal «L.A.M.A.» n’est pas étranger au décès. Ce dispositif permet de traduire l’intégralité de la pensée, mais également d’atteindre des états émotionnels recherchés. Plus exactement : «Le mot qui tue» aurait été à l’oeuvre...

Lama est une réflexion poussée sur le langage et son immense impact. L’enquête est prenante, le thème propice à la réflexion, mais je regrette qu'elle soit si courte !

Yeyuka : Le lecteur est invité à suivre les pérégrinations d’un médecin en Ouganda. Une nouvelle intéressante, mais un peu plate.

Singleton et Oracle : Ces deux nouvelles sont liées par un personnage commun, et une continuité de thématique. Un physicien invente un processeur quantique, destiné au développement de l'I.A. pour doter les humains de cerveaux numériques.

La première nouvelle est assez pointue (réduction du paquet d’ondes, mécanique quantique), et un tantinet aride. La seconde nous est en revanche plus familière puisqu'elle revisite le mythe de Faust, et est particulièrement réussie.

Le Continent perdu : Dans un Afghanistan imaginaire s’affrontent des combattants locaux et des soldats du futur, un jeune homme est emprisonné dans un espace-temps inconnu.

Sympathique.

Grand prix de imaginaire 2010 et Prix du Cafard Cosmique 2010